Intervention de Nadège Havet

Réunion du 16 janvier 2024 à 14h30
Accord commercial entre l'union européenne et le mercosur — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Nadège HavetNadège Havet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après un long processus de négociation, qui s'est étendu sur une vingtaine d'années, un accord commercial a été trouvé entre l'Union européenne et le Mercosur, le 28 juin 2019.

Ce texte a un double objectif : d'une part, accroître les relations commerciales entre les deux marchés, par un abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires ; d'autre part, promouvoir un dialogue politique entre les deux alliances sur des questions diverses, que ce soit en matière de migrations, d'économie numérique et de cybercriminalité, de recherche et d'éducation, de droits humanitaires, ou encore de protection de l'environnement. Je reviendrai sur ce dernier point.

Cet accord est d'une ampleur considérable, puisqu'il concerne près de 780 millions de personnes. Le volume d'échanges couverts s'élèverait à 40, voire à 45 milliards d'euros, importations et exportations confondues. Il s'agirait ni plus ni moins que de créer la plus grande zone de libre-échange de la planète.

En outre, plus de 1 000 entreprises françaises sont actives au Brésil. Le Mercosur, à proximité immédiate de plusieurs de nos territoires d'outre-mer, constitue un ensemble économique émergent qui dispose de ressources précieuses, en particulier en métaux rares, utiles pour mener à bien la transition énergétique sur notre continent.

Cet accord n'a cependant pas été ratifié. Si le volet politique de l'accord précédemment évoqué ne soulève pas de difficultés, son volet économique suscite, lui, des inquiétudes.

La France, notamment, estime que le texte négocié par la Commission européenne ne va pas assez loin s'agissant des garanties environnementales, en particulier en matière de lutte contre la déforestation amazonienne. La balance écologique n'est donc pas à l'équilibre.

Le 28 octobre dernier, à Paris, lors de sa déclaration sur la protection des forêts tropicales, le Président de la République a rappelé ceci : « Moins de 14 % de la surface de la planète concentre 75 % des stocks de carbone irrécupérable et 91 % des écosystèmes des espèces vertébrées. Ces stocks de carbone et de biodiversité, largement concentrés dans les trois plus grands bassins forestiers du monde, sont des trésors dont l'Humanité ne peut tout simplement pas se passer. »

Face à la menace que cet accord constituerait pour la forêt amazonienne, poumon de notre planète, il a été décidé, avec constance, de ne pas l'approuver, sauf si trois conditions étaient respectées : que les produits issus de la déforestation ne puissent pas être importés dans l'Union européenne ; que l'accord soit rendu conforme à l'accord de Paris ; que des mesures miroirs soient instaurées en matière sanitaire et environnementale.

Le texte est aussi problématique en matière de distorsions de concurrence commerciale. Les gouvernements argentin et brésilien ont de nouveau déclaré en 2022 qu'ils souhaitaient parvenir à un accord, en particulier depuis le retour à la tête du Brésil du président Lula. Les négociations ont repris sous la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne, qui a fait de cette question une priorité.

En ce début d'année, le chancelier allemand et le nouveau président argentin ont appelé de leurs vœux une conclusion rapide des négociations sur l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur.

Pour notre part, nous maintenons notre position.

Le 13 juin 2023 déjà, une proposition de résolution relative à l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur a été adoptée à l'Assemblée nationale. Nos collègues députés ont également considéré que le volet commercial de l'accord n'était compatible ni avec les engagements de l'Union européenne dans la lutte contre le réchauffement climatique ni avec l'objectif de souveraineté alimentaire.

Ils se sont ainsi opposés à l'adoption de l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur dans le cas où les produits en provenance du Mercosur ne seraient pas conformes aux normes de production européennes. De même, ils se sont opposés à l'adoption séparée du volet commercial de l'accord. C'est l'intégralité de l'accord qui devra être soumis à la procédure de ratification, c'est-à-dire à un vote à l'unanimité des États membres, puis à un vote au Parlement européen et à une ratification par l'ensemble des États membres, par l'Assemblée nationale et le Sénat selon la procédure prévue par la France.

Les députés ont également demandé la généralisation du principe de réciprocité des normes de production dans les échanges commerciaux.

Il nous revient, cet après-midi, de nous prononcer sur une initiative conjointe des groupes Les Républicains et Union Centriste. Votre proposition de résolution européenne, mes chers collègues, vise à alerter sur plusieurs points.

Vous estimez tout d'abord que les conditions démocratiques, économiques, environnementales et sociales ne sont pas toutes réunies pour la conclusion d'un tel accord. Vous mettez ensuite en avant ses effets potentiellement négatifs pour les filières agricoles françaises et les risques de dumping social pour les agriculteurs français et européens.

En Amérique du Sud, les exploitations peuvent compter des dizaines de milliers de têtes. Les antibiotiques de croissance y sont autorisés, ainsi que de nombreux produits phytosanitaires dont l'usage est interdit au sein de l'Union européenne. L'asymétrie des conditions de production conduirait à une situation de concurrence déloyale.

Vous demandez par conséquent l'adoption de mesures miroirs sur certaines normes sanitaires, environnementales et relatives au bien-être animal, de telles mesures étant essentielles pour les produits agricoles importés. Vous demandez également une augmentation des contrôles aux frontières afin de pouvoir vérifier que ces mesures sont effectivement respectées par les pays exportateurs.

Vous soulevez enfin un problème de méthode de la part de la Commission européenne, à savoir la découpe des accords commerciaux afin de séparer les dispositions relevant de sa compétence exclusive de celles qui relèvent d'une compétence partagée avec les États.

Notre groupe votera cette proposition de résolution.

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