Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution, déposée conjointement par les groupes Union Centriste et Les Républicains au mois de juin dernier, visé à réaffirmer les lignes rouges du Senat sur les conditions d'un accord commercial avec le Mercosur, à l'occasion de la visite du président brésilien Lula.
Je rappelle que cette visite s'était accompagnée de signaux de l'exécutif laissant penser que l'accord, conclu au mois de juin 2019, pourrait être adapté et adopté moyennant un instrument additionnel supposé le verdir. Le problème, c'est que cet addendum avait tout l'air d'un artifice, car il ne comportait aucune mesure réellement contraignante et prévoyait une scission de l'accord mixte.
Six mois plus tard, comme l'a rappelé Jean-François Rapin, la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne, soucieuse de rapprocher l'Europe de l'Amérique latine, a démontré que nos craintes étaient justifiées.
En effet, sans l'élection du nouveau président argentin Javier Milei, qui a provisoirement retardé le processus, un accord aurait vraisemblablement été déjà conclu à la fin de l'année 2023.
Soyons clairs : loin de nous l'idée de nier tout intérêt économique et stratégique aux accords de libre-échange, y compris avec le Mercosur. Ce dernier est un marché de plus de 250 millions de consommateurs, grâce auquel nous pourrons diversifier nos approvisionnements. De plus, dans le contexte d'incertitude qui caractérise notre relation avec les États-Unis, « partenaire, concurrent stratégique et rival systémique », il associe de potentiels alliés géopolitiques.
Le but de cette proposition de résolution est de réaffirmer le respect des nécessaires conditions démocratiques, économiques, environnementales et sociales de l'accord et de mesurer leurs effets en totale transparence. Ces conditions, définies par le gouvernement français lui-même au regard de ses différents engagements nationaux, européens et internationaux, ne sont pas négociables et doivent être garanties préalablement à la ratification de l'accord.
Il s'agit, cela a été dit, de ne pas augmenter les importations dans l'Union européenne de produits issus de la déforestation, de mettre l'accord en conformité avec l'accord de Paris et d'instaurer des mesures miroirs en matière sanitaire et environnementale.
Ces dispositions sont déterminantes pour la réussite et la cohérence de l'accord. Je me réjouis donc que l'exécutif ait depuis redit publiquement son opposition à l'adoption de cet accord en l'état.
Je rappelle que les accords commerciaux, lorsqu'ils sont mixtes, comme c'est le cas de l'accord avec le Mercosur, conformément à l'engagement pris par la Commission européenne devant les États membres au mois de mai 2018, sont adoptés après leur approbation par le Parlement européen, la décision à l'unanimité du Conseil et la ratification par les parlements nationaux.
Une adoption contre l'avis de la France soulèverait donc de légitimes questionnements sur les pratiques démocratiques de l'Union européenne. Je rappelle en effet que nous avons déjà connu un malheureux précédent : alors qu'il est partiellement entré en vigueur depuis 2017, le Ceta n'a toujours pas fait l'objet d'un projet de loi tendant à autoriser sa ratification et n'a donc toujours pas été soumis au Parlement. Monsieur le ministre, peut-être aurez-vous à cœur de corriger cet outrage aux règles démocratiques. §
Une adoption de l'Union européenne contre l'avis de la France poserait enfin une question de cohérence de notre agenda européen interne, matérialisé par des contraintes lourdes imposées aux agriculteurs dans le cadre du très ambitieux Pacte vert pour l'Europe, avec l'agenda politique international, qui prévoit la multiplication d'accords commerciaux sans réciprocité en termes de conditions de production, les fameuses clauses miroirs n'étant pas adoptées. Nous n'en maîtriserions pas alors les conséquences à court, moyen et long termes sur nos filières d'élevage et sur notre souveraineté alimentaire.
Pour tous ces motifs, mes chers collègues, qui appellent des éclaircissements et de la transparence de la part du Gouvernement et de l'Union européenne, je vous invite à soutenir cette proposition de résolution.