Intervention de Christian Redon-Sarrazy

Réunion du 16 janvier 2024 à 14h30
Accord commercial entre l'union européenne et le mercosur — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Christian Redon-SarrazyChristian Redon-Sarrazy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne a affiché comme priorité de parvenir à un accord au Conseil sur le projet d'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres et les pays du Mercosur, dont les négociations ont débuté voilà vingt-trois ans.

Les élections en Argentine ont donné un sursis, mais il semble que se soient dessinées les conditions d'un accord, en particulier sur une déclaration annexée entre la Commission européenne et les États du Mercosur, sans d'ailleurs que nous en connaissions la dernière version.

Rappelons que la France a obtenu en 2015 l'exigence d'une plus grande transparence des négociations commerciales conduites au nom de l'Union européenne. Une telle exigence doit être maintenue.

Pour autant, nous considérons que cet accord UE-Mercosur n'est pas plus acceptable qu'en 2019, et ce à plusieurs titres.

Il s'agit, faut-il le rappeler, d'un projet d'accord fondé sur un mandat de négociation adopté en 2000, dans un contexte économique, commercial, climatique totalement différent.

Les garanties qui auraient été négociées ne sont pas suffisantes. Elles restent non contraignantes et ne prévoient pas non plus de clause suspensive en cas de non-respect des normes. Nous ne pouvons pas tergiverser sur ce point. Les normes ne peuvent pas être considérées comme étant à géométrie variable. Nous devons assurer à l'accord une assise démocratique et permettre à l'Europe d'avancer s'agissant de son objectif de rendre les accords commerciaux qu'elle conclut plus vertueux, négociés sur des mandats robustes et exigeants.

Nous ne devons pas céder aux manœuvres consistant à tenter de scinder l'accord en deux, avec une partie commerciale qui serait d'application provisoire et le reste qui serait soumis à la ratification des parlements nationaux. Je vous rappelle à cet égard que, malgré les demandes réitérées du Sénat, la ratification de l'Accord économique et commercial global (Ceta) n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour.

Nous devons respecter le statut de cet accord d'ancienne génération. Monsieur le ministre, nous vous demandons de faire en sorte que la ratification par le Parlement ne puisse pas être contournée par quelque manœuvre que ce soit. Nous connaissons les ficelles. Alors qu'auront lieu dans six mois les prochaines élections européennes, il serait dommageable de favoriser une contorsion antidémocratique, au risque que les citoyens s'interrogent sur la capacité de l'Union européenne à faire accepter ses exigences et à protéger ses normes. L'adhésion de nos concitoyens est un élément à prendre en compte absolument.

Le monde a évolué ; les exigences que l'Union européenne s'est imposées et défend sur la scène internationale en matière de durabilité également ! Comment l'Union européenne pourrait-elle ratifier un accord commercial d'ancienne génération tout en prônant un renforcement des normes sociales et environnementales à l'échelon mondial et en se contentant d'une déclaration sans caractère contraignant en la matière en annexe du traité Mercosur ?

La France a émis des conditions à l'approbation de cet accord : une production agricole qui ne doit pas augmenter la déforestation importée dans l'Union européenne ; une mise en conformité avec l'accord de Paris ; l'instauration de mesures miroirs en matière sanitaire et environnementale qui imposent les mêmes contraintes aux producteurs. C'est essentiel pour éviter de créer les conditions d'une concurrence déloyale pour nos productions agricoles.

Être cohérents, c'est respecter les lignes rouges définies. La question est simple : ces lignes rouges ont-elles été prises en compte dans les négociations finales – dans ce cas, pouvez-vous nous exposer les garanties ? – ou bien ont-elles été franchies ?

Depuis 2015, nous sommes parvenus, de haute lutte – je dois le dire –, à intégrer des critères de durabilité dans l'exercice de la politique commerciale commune. Les conditions de production et les exigences de la transition climatique impliquent aujourd'hui de défendre un commerce plus équitable qui respecte des normes sociales, sanitaires et environnementales. Nous progressons aujourd'hui en ce sens : normes de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), interdiction des produits issus du travail forcé, taxe carbone aux frontières de l'Union européenne. Ces nouvelles exigences doivent avoir un sens.

D'ailleurs, ces exigences ne sont pas que pour nous-mêmes. Elles sont destinées à assurer des conditions de vie plus dignes des producteurs et travailleurs des pays tiers avec lesquels nous concluons des accords. Elles sont de notre responsabilité.

Monsieur le ministre, je crois que nous ne parviendrons pas à faire du neuf avec du vieux. Nous ne pouvons pas accepter le rafistolage d'un accord qui aurait des conséquences majeures à la fois pour nos économies et nos agricultures, mais aussi pour la capacité de l'Union européenne à peser en matière de normes à l'échelon international.

Dans ces conditions, nous soutiendrons la présente proposition de résolution.

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