Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au temps de la « mondialisation heureuse » et de la dérégulation, l'Union européenne a entrepris d'accroître ou de développer ses échanges avec certaines régions du monde par le biais d'accords, qui ont déjà été mentionnés.
Il est vrai que le commerce, dit-on, contribue à la richesse des nations et préserve de la guerre ! La France, dont la balance commerciale est depuis longtemps déficitaire, sait toute l'importance de l'export pour l'économie.
En réalité, au fil des ans, les préoccupations ont évolué sous la pression des événements : réchauffement climatique, tensions géopolitiques, crise sanitaire, essor des pays producteurs à bas coûts...
Les attentes sociétales des citoyens, qui sont aussi les consommateurs européens, ne sont plus les mêmes. L'évidence du commerce intercontinental sans entrave par transport maritime de base, voire par avion-cargo est remise en question.
Les sujets de souveraineté, de normes sociales et environnementales, de bien-être animal, de traçabilité ou de concurrence équilibrée sont désormais au premier plan.
C'est particulièrement vrai s'agissant du secteur agricole, activité dans laquelle la France conserve des intérêts majeurs dans la diversité de ses territoires et que l'on ne peut pas traiter comme n'importe quelle autre.
La crise sanitaire a mis en lumière les problèmes de dépendance dans différents domaines et les aléas des transports. L'instabilité géopolitique, comme autour du détroit de Bab-el-Mandeb, montre combien les flux maritimes mondiaux et les coûts du transport sont sensibles aux événements extérieurs.
Le conflit en Ukraine nous rappelle cruellement, surtout pour les pays méditerranéens, que les denrées alimentaires sont une arme de la guerre hybride. Dès lors, ne pas en disposer est une faiblesse stratégique.
Ayant parcouru l'Amérique du Sud dans ma vie professionnelle, je sais que le Mercosur est un marché considérable et particulièrement attractif. Pour autant – cela n'aura échappé à personne –, ses États membres n'ont pas les mêmes pratiques que les nôtres. D'ailleurs, le Président de la République ne dit désormais pas autre chose.
Ne commettons donc pas l'erreur de nous mettre dans une situation délicate de dépendance ou de concurrence déloyale, alors même que nos producteurs se voient imposer normes et contrôles sanitaires et environnementaux drastiques. Nos agriculteurs ne déforestent pas nos campagnes ; ils n'élèvent pas des milliers de têtes de bétail, comme en Amazonie. Au contraire, ils entretiennent les paysages, limitent l'urbanisation et concourent à la vie locale, en plus de nourrir la population. Beaucoup se mettent d'ailleurs aux circuits courts. C'est une bonne chose pour leurs revenus et leur empreinte carbone, car il est aberrant de faire venir du bout du monde certaines productions en tous points inférieures aux nôtres.
Les demandes formulées dans le présent texte, comme les mesures miroirs, le renforcement de la qualité et la quantité des contrôles aux frontières, ainsi qu'une meilleure association des parlements nationaux au processus de négociation des accords commerciaux internationaux sont adaptées aux enjeux, alors que l'Union européenne fait désormais de l'environnement et de la souveraineté des priorités communautaires.
Peut-être faudrait-il aussi sortir les productions agricoles, ou certaines d'entre elles, de ces accords.
En 2018, en tant que rapporteur de la proposition de résolution européenne en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne, d'une part, et le Mercosur, d'autre part, j'avais déjà appelé l'attention sur les risques pour les filières bovine, sucrière et bananière notamment.Il nous faut donc continuer à faire preuve de vigilance en la matière, en particulier vis-à-vis de la Commission européenne.
Cosignataire de la présente proposition de résolution, je la soutiens totalement et vous invite à faire de même, mes chers collègues.
Monsieur le ministre, nous attendons du nouveau gouvernement de la fermeté dans la défense de nos intérêts à l'international et dans la sauvegarde de nos filières agricoles. §