Saluons, à cet égard, l'accompagnement que proposent les organisations professionnelles et les services de l'État, y compris l'OFB d'ailleurs, aux éleveurs dans ces moments très difficiles.
Il faut mesurer la désespérance de ces hommes et de ces femmes qui ont investi dans du matériel de prévention, se sont dotés de chiens de protection, ont respecté les règles relatives aux tirs de défense et qui ne voient pas venir pour autant la fin de leurs difficultés. Ils ont le sentiment que ces efforts et ces règles ne suffisent plus à protéger leurs animaux et que les outils dont ils disposent ne sont plus adaptés à la situation.
Plus encore, vous le constatez dans vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs : le loup est devenu un sujet de tension territoriale, parfois symptomatique de l'incompréhension entre le monde urbain et le monde rural. Il s'agit là d'un défi redoutable.
Revenons au point de départ. Après quatre plans Loup qui ont eu pour objet de protéger strictement une espèce disparue de notre territoire voilà cent ans environ avant d'y revenir naturellement, ce cinquième plan Loup ne pouvait pas en être un simple prolongement.
Le loup est réapparu en 1992. Trente ans plus tard, il n'était pas possible de continuer comme avant, compte tenu des évaluations de la population réalisées notamment par les services de l'OFB.
C'est un fait avéré : la conservation de l'espèce est aujourd'hui assurée. Pour le dire clairement, ce sont non plus les loups qui sont menacés de disparition, mais les activités d'élevage.
Ces cinq dernières années, la population de loups a doublé, passant de 510 à 1 104, tandis que 55 départements sont aujourd'hui concernés par la prédation, contre 31 autrefois.
Chaque année, 12 000 à 14 000 animaux sont tués. Après les ovins puis les caprins, les bovins, les asins et les équins sont à leur tour victimes des attaques du prédateur. En un mot, la progression géographique du loup s'accompagne d'une progression des dégâts.
Le nouveau plan affiche donc une ambition d'équilibre et se fonde sur un nouveau paradigme : il s'agit non plus seulement de conserver l'espèce, mais également de sauver l'élevage, en particulier le pastoralisme.
Pour tenir cet équilibre, les acteurs du débat public doivent prendre conscience des réalités vécues au quotidien par nos éleveurs. Nul doute que vous y contribuerez au travers de ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui êtes en première ligne face aux difficultés que soulève l'expansion du loup.
Vous savez ce qu'elle induit comme usure, traumatisme, désespérance et crispations dans les territoires.
À un tel degré, la coexistence avec le loup n'est parfois plus compatible avec le maintien d'une activité d'élevage.
En toile de fond, les éleveurs, mais aussi le monde rural en général, ont parfois le sentiment que les réalités vécues sur le terrain sont niées. Nous devons y être attentifs.
C'est la raison pour laquelle nous avons travaillé, avec le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur les priorités suivantes, désormais inscrites dans le plan national d'actions 2024-2029.
Premièrement, il s'agit de mettre l'élevage et le pastoralisme au cœur de ce plan d'actions : nous avons besoin non pas seulement d'un nouveau « plan Loup », mais d'un « plan national d'actions pour le pastoralisme et la prédation du loup ».
Deuxièmement, nous voulons interroger, puis réviser le statut de l'espèce. Madame la sénatrice, vous avez indiqué que cet objectif était absent du plan Loup. Permettez-moi de vous en lire un passage : « Suite aux annonces le 4 septembre 2023 de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, la France se mobilisera et sera force de proposition de manière à adapter le statut de l'espèce à son état de conservation sur la base des données scientifiques disponibles. »
Je vous informe d'ailleurs – nous venons de l'apprendre – que la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen se saisira de cette question à la fin du mois de janvier prochain.
S'ouvrira alors un processus qui débouchera sur une position européenne, laquelle permettra d'étudier la question dans le cadre de la convention de Berne et ensuite de revenir sur la directive Habitats-faune-flore.
Je vous le concède, cela peut paraître long.