Intervention de Michel Billout

Réunion du 1er octobre 2007 à 16h00
Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel — Vote sur l'ensemble

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quelle sera demain la pérennité des tarifs réglementés ? Peut-on espérer que l'adoption de cette loi constitue une garantie suffisante pour leur maintien ? À l'issue de nos débats, je suis pessimiste.

En effet, et vous semblez en avoir conscience, toute disposition permettant le maintien de tels tarifs ne peut être qu'une dérogation au droit communautaire tel qu'il est actuellement élaboré par les États membres. En ce sens, cette loi est conçue comme une simple dérogation temporaire à la fin annoncée des tarifs fixés par les pouvoirs publics.

Car la question est bien là ; il y a une antinomie totale entre l'existence de tarifs régulés et les impératifs de concurrence libre et non faussée.

C'est pourquoi, si les objectifs d'une telle loi ne méritent pas que l'on s'y oppose, les droits communautaire et national dans le secteur de l'énergie nécessitent plus que de simples dérogations.

Pour notre part, nous souhaitons une véritable réorientation de la construction européenne et une remise en cause du dogme libéral de la concurrence libre et non faussée comme pierre angulaire de toute politique publique. Ainsi avons-nous notamment demandé la réalisation d'un bilan sur les politiques de libéralisation du secteur de l'énergie.

En effet, nous avons suffisamment d'exemples pour savoir que l'ouverture à la concurrence n'a pas atteint les objectifs escomptés s'agissant de la baisse des tarifs par l'émulation de la concurrence. Bien au contraire, la sécurité d'approvisionnement est menacée et les tarifs se sont envolés.

Depuis l'ouverture de leur capital, les opérateurs historiques ont modifié le cap de leur politique d'entreprise. Ainsi, l'objectif d'augmenter la rentabilité pour les actionnaires est désormais mentionné dans les contrats de service public et un alignement des tarifs réglementés sur le tarif libre est prévu dans le contrat de service public de GDF.

Nous le voyons donc bien, la simple question des tarifs dits « réglementés » et de leur maintien est loin d'être exhaustive des problématiques liées au secteur de l'énergie.

Au final, nous le constatons, les anciens monopoles qui auraient dû être modernisés et démocratisés seront de facto remplacés par des oligopoles privés.

Pourtant, les enjeux sont fondamentaux et multiples. Ils font de l'énergie une denrée exceptionnelle qui ne peut être considérée comme une simple marchandise.

Ce simple constat, qui semble partagé par la plupart des collègues au sein de notre hémicycle, tous groupes politiques confondus, qui ont adopté le rapport de la mission d'information sur l'électricité, ne peut aboutir qu'à une seule conclusion : l'énergie n'étant pas une marchandise comme les autres, les questions relatives à sa maîtrise ne peuvent être laissées à la main invisible du marché.

Le secteur nécessite donc une forte maîtrise publique, comme le recommande le rapport de la mission d'information que je viens d'évoquer. Pour les sénateurs de mon groupe, cela passe par une condition stricte : il est nécessaire de garantir des capitaux uniquement publics au sein des opérateurs énergétiques, car toute prise de capitaux privés pervertit irrémédiablement la politique d'entreprise. De cette conception découle ou non l'existence de tarifs régulés.

Dans ce sens, nous avions déposé un amendement où nous proposions une nouvelle fois la fusion entre EDF et GDF. Cette idée est régulièrement réfutée par les tenants du libéralisme, et ce au nom des contreparties qui seraient imposées par Bruxelles. Pourtant, la création du géant Suez-GDF impose également des contreparties, et non des moindres ; je pense notamment à la cession de contrats à long terme pour GDF, à la séparation du pôle environnement pour Suez, ainsi qu'à la fin du monopole de production nucléaire pour EDF avec la création de son principal concurrent. Il s'agit de contreparties très importantes, sans les bénéfices d'une véritable maîtrise publique.

Nous le voyons donc, il s'agit là avant tout de choix politiques. Pourtant, nous n'avons pas pu avoir cette discussion, car notre amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances. Cette irrecevabilité nous interpelle. Est-ce là le pouvoir du Parlement ? Nous pouvons voter des lois, à l'unique condition qu'elles n'engagent pas les dépenses publiques. Nous nous retrouvons donc avec un Parlement impuissant, qui ne peut ni orienter la politique nationale ni formuler des choix politiques. L'apparente initiative parlementaire se révèle alors n'être qu'une vaste plaisanterie, puisque les lieux de décision sont ailleurs. Voilà peut-être une explication à la forte défection des parlementaires ce soir.

Au final, nous voterions cette proposition de loi alors même que notre gouvernement prône à Bruxelles l'ouverture totale et que le Président de la République annonce déjà la privatisation du nucléaire civil.

Selon nous, tant que la France ne s'engagera pas dans une réflexion plus globale sur les questions de maîtrise publique, une telle loi ne pourra pas avoir de portée suffisante. Dans le cadre actuel de libéralisation, les tarifs réglementés, qui sont incompatibles avec les objectifs de marché, seront évidemment sacrifiés, ou bien vidés de leur spécificité par un alignement sur les tarifs dits « libres ».

Les sénateurs communistes ne font pas le choix de la marchandisation de l'ensemble des activités humaines. Ils estiment que la puissance publique doit se doter des instruments industriels nécessaires pour répondre aux enjeux énergétiques du xxie siècle. C'est pourquoi ils s'abstiendront sur ce texte.

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