Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques mois après l’Assemblée nationale, nous avons l’occasion, via cette proposition de résolution, de débattre du potentiel accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur.
Bien que la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne se soit achevée à la fin de l’année 2023 et que la situation politique ait évolué en Amérique du Sud, notamment en Argentine, les négociations de cet accord commercial se poursuivent et nécessitent un suivi tout particulier de la part de la représentation française.
Nous avons tous en tête, monsieur le ministre, la non-présentation d’un projet de loi autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global, le Ceta, devant le Sénat. Il s’agit là à notre sens d’un contournement inacceptable du Parlement. Nous avons pourtant demandé le dépôt d’un tel texte à plusieurs reprises sur l’ensemble de nos travées. Les accords commerciaux d’une telle ampleur ne peuvent se passer d’une validation par les parlements nationaux.
À cet égard, rappelons que, en cas de ratification, le traité entre l’Union européenne et le Mercosur deviendrait l’accord le plus important pour l’Union européenne, en termes démographiques – 780 millions de personnes seraient concernées –, mais aussi de volumes d’échanges couverts – les importations et les exportations représenteraient entre 40 et 45 milliards d’euros.
Je partage plusieurs constats dressés par les auteurs de la proposition de résolution.
Ainsi, il est rappelé à l’alinéa 52 du texte que le monde agricole a trop souvent été la variable d’ajustement, voire le laissé-pour-compte des traités de libre-échange et de l’ultralibéralisme débridé.
Les échanges ont bien sûr été au cœur du développement de l’humanité et des différentes sociétés, tout particulièrement dans les domaines de l’agriculture et de l’alimentation, mais la mondialisation sans limites a aussi de nombreuses conséquences : délocalisation, perte de savoir-faire, disparition de notre souveraineté alimentaire, effets sur notre biodiversité.
Face aux enjeux que sont la transition écologique et la lutte contre les inégalités en tous genres, nous ne pouvons plus penser les accords commerciaux comme nous le faisions voilà trente ans.
Nous devons revoir notre logiciel à l’aune de ces nouveaux enjeux et de ces nouveaux objectifs. Cela signifie non pas ne plus échanger ou ne plus négocier d’accords avec de nouveaux partenaires, mais faire autrement.
Je reprendrai donc mot pour mot les termes du dernier alinéa de la résolution adoptée à l’Assemblée nationale sur ce sujet : généralisons le « principe de réciprocité des normes de production dans les échanges commerciaux ».
Les clauses miroirs, comme cela est rappelé dans la proposition de résolution, sont une part importante de la solution pour aboutir à un accord commercial plus juste et plus vertueux.
En l’état, il est totalement inacceptable de voir arriver sur le sol européen des produits qui, par leur origine ou leur mode de production, seraient dangereux pour les consommateurs et constitueraient une concurrence déloyale pour les agriculteurs européens.
Accepter ces produits-là dans notre espace commun, c’est contraindre les agriculteurs à utiliser des produits nocifs pour leur santé pour des considérations purement économiques.
De nombreux exemples ont été cités, notamment ceux des poulets dopés aux antibiotiques et du maïs traité à l’atrazine, mais l’abus le plus emblématique de cet accord concerne, me semble-t-il le bœuf. Ainsi, près de 100 000 tonnes de viande bovine pourraient être exportées vers l’Europe, avec des tarifs douaniers très avantageux. Les élevages français et européen s’en trouveraient totalement perturbés.
Alors que les quatre pays membres du Mercosur fournissent déjà un tiers du marché mondial de la viande bovine, l’avantage tarifaire qui leur est consenti porterait un coup de massue à l’ensemble de la filière, d’autant plus qu’une part importante de l’élevage bovin sud-américain a pour effet la terrible déforestation de l’Amazonie.
La préservation de la biodiversité et des forêts est pourtant l’une des priorités de l’Union européenne, qui a fait adopter en 2023 un règlement afin d’interdire la mise sur le marché européen de produits issus de la déforestation.
Monsieur le ministre, il est indispensable que l’accord commercial avec le Mercosur prenne en compte cette nouvelle législation européenne.
Par ailleurs, un autre point est particulièrement inquiétant : les seuils d’usage par les agriculteurs des pays du Mercosur de nombreux produits phytosanitaires interdits par l’Union européenne.
Si nous voulons faire évoluer notre modèle agricole pour qu’il rémunère mieux les agriculteurs tout en préservant leur santé et celle des consommateurs, il est inconcevable d’accepter de tels produits, qui représenteraient une terrible régression.
Pour favoriser l’émergence d’un modèle agricole alternatif, l’encadrement des traités de libre-échange est indispensable et doit être une priorité pour l’Union européenne et pour le Gouvernement.
Avant de conclure, je tiens à faire part de mon étonnement s’agissant des ambiguïtés de nos collègues LR. Dans cette proposition de résolution, ils utilisent allégrement l’argument de la défense de l’environnement et de la biodiversité…