Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier Jean-François Rapin et ses collègues d’avoir déposé cette proposition de résolution.
Il n’est pas de prospérité sans puissance et il n’y aura pas de puissance économique et commerciale sans souveraineté alimentaire européenne effectivement garantie. Cessons de considérer l’agriculture française et européenne comme un sujet de second rang dans les accords de libre-échange et réveillons-nous !
Dans moins de six mois, les Européens seront appelés aux urnes et les accords de libre-échange seront au premier plan comme outils d’action européenne à l’échelle internationale et reflets de nos choix en matière de souveraineté. Si nous voulons poursuivre la construction européenne, nous devons lui éviter de devenir sa propre caricature. L’Union européenne et les Européens méritent mieux que cela. Ne confondons donc pas vitesse et précipitation.
La vitesse, c’est continuer d’utiliser notre puissance économique et commerciale comme levier d’action, comme outil de politique internationale. C’est s’en servir notamment pour asseoir le rôle de cheffe de file de l’Union européenne dans les transitions environnementales et climatiques qu’il nous faut mener, en faisant respecter l’accord de Paris et en étant vigilant sur les conséquences sur la déforestation d’un accord avec le Mercorsur.
La vitesse, c’est faire à l’échelle internationale ce que les pères fondateurs de l’Union européenne ont fait à l’échelle européenne : utiliser les intérêts économiques des pays pour rapprocher les peuples, accroître leur prospérité et tisser des liens de fraternité.
La précipitation – et l’on parle pourtant d’un accord dont les négociations ont débuté en 1999, soit il y a plus de vingt ans –, c’est rêver en fonçant tout droit vers un mirage.
La précipitation, c’est nier la réalité des divergences trop importantes, trop structurelles pour pouvoir envisager une telle convergence en l’état. Ce serait précipiter notamment nos agriculteurs, dont j’entends et je partage les craintes, dans l’incompréhension et la confusion.
Tous savent ce qu’ils doivent à la construction européenne, mais, à l’heure où se livre une véritable bataille agricole mondiale sur les denrées alimentaires, où l’on parle sans cesse de souveraineté alimentaire, où, pour la première fois de notre histoire républicaine, cette notion figure depuis 2022 dans l’intitulé d’un ministère, quelle est la cohérence d’un tel accord ? En l’état, il ne comporte pas de clauses miroirs. En outre, rien ne garantit qu’un système de contrôle structuré et effectif permette demain de s’assurer, le cas échéant, que ces clauses seront bien respectées.
Rappelons que nos agriculteurs subissent déjà une certaine concurrence européenne : en raison de la tendance française à la surtransposition des directives européennes, ils doivent respecter des normes environnementales et sociales qui ne s’imposent pas toutes aux autres pays européens.
La conclusion d’un tel accord en l’état constituerait donc une double peine, pour tous et partout. Pour autant, cet accord n’aurait pas pour effet de contraindre ceux qui ne respectent pas les exigences environnementales et sociales à le faire, bien au contraire. Nous sacrifierions ainsi ceux qui les appliquent sur le sol européen et travaillent avec passion.
Nous n’avons pas troqué pour rien le mot « commerce » inscrit au fronton du ministère de l’agriculture sous la IIIe République contre ceux de « souveraineté alimentaire » !
Monsieur le ministre, nous sommes à vos côtés pour porter une voix crédible, convaincante et puissante, même, et peut-être surtout, quand elle est singulière. Il y va aussi de la survie de l’Union européenne. Il s’agit non pas d’un choix d’opportunité ou de tendance en vue des prochaines élections, mais d’un choix d’avenir.
Il est important que l’État français, concernant cet accord entre le Mercosur et l’Union européenne, reste extrêmement vigilant, comme il a su le faire ces dernières années.
La proposition de résolution qui nous est soumise est bien évidemment une nécessité : nous demandons des clauses miroirs, le respect de l’accord de Paris, ainsi qu’un contrôle effectif et un mécanisme de règlement des différends clair et efficace. Nous en partageons l’esprit. C’est pourquoi, bien évidemment, le groupe Les Indépendants – République et Territoires la votera.