Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir inscrit à l’ordre du jour des travaux du Sénat l’examen de la présente proposition de résolution, dont je salue les auteurs, Sophie Primas et Jean-François Rapin. Cela nous permet de faire le point sur le potentiel accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Ce sujet, auquel la société civile de même que le Gouvernement prêtent une grande attention, nous mobilise particulièrement.
En effet, un tel débat illustre très concrètement le travail mené par la France pour rendre la politique commerciale européenne plus durable et plus équilibrée. Il s’agit de faire en sorte qu’elle soit bénéfique à tous, et d’abord aux Français, donc à nos intérêts nationaux, monsieur le sénateur Panunzi ; j’entendais vos arguments, qui sont totalement loyaux.
En premier lieu, la France œuvre à renforcer la protection du climat – ce n’est pas incompatible ! – et de l’environnement en général, ainsi que celle des droits des travailleurs au sein de la politique commerciale européenne.
C’est un travail de longue haleine, entamé dès 2017. Il s’est notamment concrétisé avec la nouvelle stratégie de la Commission européenne pour une politique commerciale « ouverte, durable et assertive ». Cette politique s’est aussi traduite par des avancées sous présidence française du Conseil de l’Union européenne, avec, par exemple, l’adoption par la Commission européenne d’une nouvelle approche en matière de commerce et développement durable. Celle-ci est depuis progressivement déclinée dans les nouveaux accords, par exemple avec la Nouvelle-Zélande, le Chili et le Kenya, et dans les négociations en cours.
Il me faut mentionner deux règlements entrés en vigueur en 2023 : le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) – certains l’ont mentionné – et le règlement « zéro déforestation ». Je sais que ce dernier rejoint vos préoccupations : il vise à interdire la mise sur le marché européen des produits ayant contribué à la déforestation en Europe comme dans les pays tiers.
Ce sont des avancées majeures et réelles.
Dans le cas du potentiel accord entre l’Union européenne et le Mercosur, le Président de la République a rappelé à la COP28, au mois de décembre dernier, sa position constante : l’accord n’est pas acceptable en l’état. Il n’est pas envisageable de conclure un accord qui ne serait pas à la hauteur des enjeux climatiques et environnementaux d’aujourd’hui et qui ne protégerait pas nos intérêts économiques.
Nous avons signalé à de nombreuses reprises la nécessité d’avoir des engagements additionnels contraignants et ambitieux sur le développement durable. Nous continuerons de le faire.
Je me félicite par conséquent de la convergence de vues entre le Gouvernement et le Sénat sur le sujet.
En second lieu, l’ouverture commerciale reste nécessaire à l’économie française, mais elle ne doit pas s’effectuer au détriment de l’environnement.
L’ouverture reste nécessaire pour nos entreprises françaises, mais aussi pour la sécurité de nos approvisionnements. Toutefois, il ne serait pas compréhensible que les efforts consentis par les producteurs européens se traduisent par une hausse des importations en provenance de pays moins-disants en matière environnementale.
Nous avons obtenu des avancées majeures en ce sens durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne. La promotion des mesures miroirs est un élément significatif de ce bilan.
Comme vous le savez, il s’agit de mesures de politique sectorielle : elles sont incluses dans la législation de l’Union européenne et distinctes des accords de commerce. Elles consistent à appliquer certains standards environnementaux et sanitaires européens à l’ensemble des produits importés de tous les pays tiers. De telles mesures sont mises en place lorsqu’elles sont jugées nécessaires. Rien n’empêche les États tiers d’exercer leur souveraineté réglementaire. Nous défendons la nôtre. Lorsque des mesures sont indispensables pour protéger la santé publique ou l’environnement en Europe, nous les assumons.
Je constate que les auteurs de la présente proposition de résolution formulent des regrets quant au manque d’avancées en matière de mesures miroirs. Je ne partage pas une telle analyse. Nous avons des premiers résultats : d’abord – c’est une victoire française –, une mesure miroir concernant l’interdiction d’importer des viandes bovines traitées avec des antimicrobiens ; ensuite – c’était un combat du Parlement européen et des institutions européennes, et la France y a participé –, l’interdiction d’importer des biens agricoles contenant des traces de deux néonicotinoïdes néfastes pour les pollinisateurs.
Ce sont de premiers résultats qu’il convient de conforter : chaque proposition ou révision de législation sectorielle doit faire l’objet d’un réflexe mesure miroir au stade de l’étude d’impact. Je pense qu’il s’agit d’un point essentiel dans notre réflexion collective.
C’est à ce moment-là que la Commission européenne doit s’interroger sur l’utilité d’étendre sa proposition aux importations. Je me félicite que votre texte soutienne ce travail de généralisation.
Cependant – il faut en avoir conscience –, c’est un travail qui demande du temps : de telles mesures doivent reposer sur un fondement scientifique solide. Il y a un risque de rétorsions de la part de nos partenaires. Il faut nécessairement laisser à ces pays le temps de s’adapter aux dispositions que nous adoptons. Nous-mêmes, nous n’accepterions pas non plus que nos exportations soient soumises à de brusques changements de législation des pays tiers sans période de transition.
Nous ne devons pas craindre un agenda commercial ouvert tant qu’il reste durable et équilibré ! La négociation entre l’Union européenne et le Mercosur en est l’illustration concrète : nous ne soutiendrons pas un accord à tout prix. En l’état actuel, l’accord devra être profondément amélioré sur ces thématiques : c’est une position constante du Gouvernement.