Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, assurer l’avenir du pastoralisme, c’est rappeler qu’il est un vecteur de développement économique contribuant à notre objectif de souveraineté alimentaire et à la valorisation de nos territoires.
Face à la prédation du loup, les appellations d’origine contrôlée (AOC) sont particulièrement concernées, qu’il s’agisse de l’agneau de Sisteron ou des filières laitières savoyardes.
À ce titre, le plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage prévoit la possibilité, dans les territoires de forte prédation, d’autoriser des tirs dérogatoires sans attaque préalable et sans mise en œuvre de moyens de protection, mais aussi de faciliter le recours aux tirs de défense simple. Je salue cette position politique, d’autant qu’elle est courageuse à l’épreuve d’un certain nombre de procédures judiciarisées.
Terres d’estives, de transhumances, nos territoires doivent acquérir un statut de zones pastorales, qu’il faut inscrire dans nos documents d’urbanisme.
Le sylvopastoralisme contribue, face au risque d’incendie, à protéger la forêt en diminuant la biomasse, réserve de combustible et, dans une période de changement climatique, à réduire la proportion des jeunes pousses confrontées à la concurrence issue du stress hydrique. Quel paradoxe de constater que nos éleveurs ont besoin d’espaces de pâturage et qu’ils doivent, dans le même temps, abandonner des zones où le risque de prédation est trop important !
Est-il nécessaire de rappeler la problématique du conflit des usages consécutif à la pratique des activités de plein air en présence de chiens de protection des troupeaux ?
Cette situation contraindrait l’accès aux estives si nous n’engagions pas une campagne d’information digne de ce nom, à des heures de grande écoute, relayée par la présence de médiateurs à proximité des zones de pâturage dans les périodes de forte affluence touristique.
Nous subissons un traitement déséquilibré de l’information dans les médias : quand le loup attaque un troupeau et tue des dizaines de bêtes, nous tournons la tête pour éviter de voir les images insoutenables des carnages.
La problématique de la prédation est bipolarisée, coincée entre des positions partisanes, car idéologiques, et des enjeux qui ne sont plus à démontrer. La position de l’État ne doit souffrir d’aucune ambiguïté : elle ne peut plus être consensuelle par peur du procès. Elle doit être le reflet d’une réalité des territoires éprouvée par les hommes qui y vivent ; je pense plus particulièrement aux cinquante-cinq départements colonisés.
Trop souvent prévaut le sentiment d’un déficit de confiance à l’endroit de notre administration. Un établissement public doit adopter une position ne laissant aucune place aux postures militantes, qui compromettent les principes de neutralité, d’objectivité ou d’impartialité indispensables à l’exercice des missions de police.
Le plan Loup nous offre pour la première fois l’occasion d’aborder la question de la maîtrise de la population des loups. Qu’il s’agisse du comptage, du recensement des attaques, du traitement des indices collectés ou du délai nécessaire à l’autorisation des tirs, la question se pose véritablement de la crédibilité des opérateurs et de la fiabilité des indications. D’ailleurs, peut-être faudra-t-il un jour mener toutes les études d’impact nécessaires à l’analyse des conséquences de la présence du loup sur la biodiversité ?
La modification du statut du loup est engagée, et je ne peux que soutenir votre volonté, monsieur le ministre, de porter le débat au sein de la Commission européenne, afin que soient modifiés le texte de la convention de Berne et celui de la directive Habitats.
Le chemin est long et l’issue incertaine mais, en droit, les États fixent souverainement le taux de prélèvement sur le fondement de la démonstration objectivée de la conservation de l’espèce.
En conclusion, je ferai référence aux propos tenus par mon collègue Laurent Duplomb le 20 décembre dernier. Dans cette « chronique d’une histoire annoncé », il avait cité la présidente de la Commission européenne, laquelle avait affirmé : « La concentration de meutes de loups dans certaines régions d’Europe est devenue un véritable danger pour le bétail et, potentiellement, pour l’homme. »
J’illustrerai cette phrase en vous narrant deux faits divers varois qui ont eu lieu au cours des quinze derniers jours.
Je vais vous parler de Marc, chasseur varois que j’ai rencontré la semaine dernière, aux côtés de son maire, et qui a eu le malheur de croiser le chemin d’un loup, qui l’a attaqué. Les larmes lui sont venues aux yeux et sa voix a tremblé lorsqu’il a évoqué cette odeur de fauve qu’il ne parvient pas à oublier. Il m’a expliqué que, terrifié, il n’a eu que le réflexe de tirer en l’air, avec du petit plomb, pour le faire fuir et se protéger. La veille, dans le même secteur, le loup avait attaqué un troupeau et dévoré le patou qui le gardait, ce que l’OFB, bizarrement, semble vouloir oublier…
Conscient d’avoir évité le pire, Marc a décidé de prévenir la gendarmerie, car il s’inquiétait à la perspective que l’animal croise une famille en train de se promener. Et la machine administrative et judiciaire s’est emballée, folle d’absurdité. On lui fit peur, on l’intimida, on le traita d’affabulateur : le pire serait qu’il ait tué le loup !
Il m’a appris, dimanche matin, qu’il était convoqué par l’OFB pour tentative de destruction d’une espèce protégée. Il m’a également expliqué que, sur les caméras installées par le berger dont le troupeau avait été attaqué, on voit – comble de l’ironie ! – des loups tranquillement assis devant la clôture électrifiée, en train de choisir les bêtes dont ils allaient se délecter.
Second exemple, jeudi dernier, les loups ont attaqué un troupeau à 250 mètres du lycée agricole de Hyères – quatrième ville du Var –, fréquenté par 1 700 étudiants. Imaginez l’émoi des parents dont les enfants étudient dans cet établissement !