Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme du marché européen de l’électricité vise à mieux protéger les consommateurs des fluctuations de prix. C’est une obligation, doublée d’une urgence : selon le médiateur national de l’énergie, 80 % des Français constatent une hausse de leurs factures, tandis que 25 % ont du mal à les régler et que 20 % souffrent du froid.
La protection des consommateurs est une vive préoccupation de la commission des affaires économiques du Sénat, préoccupation rappelée dans le rapport d’information de notre présidente Dominique Estrosi Sassone et de notre collègue Fabien Gay sur les conditions d’utilisation de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, adopté à l’unanimité le 5 juillet 2023, rapport qui pointe notamment la fraude dont fait l’objet l’Arenh.
Observant que ce dispositif est à bout de souffle, notre commission a proposé de corriger les effets de bord de sa méthodologie d’ici à son extinction en 2025.
Nous attendons du Gouvernement qu’il relève son prix à 49, 5 euros au moins le mégawattheure et qu’il laisse son plafond inchangé à 120 térawattheures au plus, conformément à la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
S’agissant des pénalités pesant sur les fournisseurs alternatifs, qui ont atteint 1, 6 milliard d’euros en 2022, nous souhaitons que le montant du premier complément de prix soit alloué au consommateur et que le plafond du second complément de prix soit supprimé. Or l’article 225 de la loi de finances pour 2024 a autorisé le Gouvernement à capter ses recettes à son profit, au mépris des recommandations de notre commission et de celles du régulateur.
Notre commission a aussi plaidé pour renforcer les contrôles et les sanctions liées à l’Arenh, qui ont été mis à rude épreuve par le relèvement exceptionnel de son plafond en 2022. Il faut faire évoluer la notion d’abus d’Arenh pour réprimer l’ensemble des comportements opportunistes des fournisseurs.
Dans le même esprit, il faut compléter les sanctions et accélérer les procédures du régulateur pour priver du bénéfice de l’Arenh les fournisseurs coupables d’abus avérés.
Notre commission a également appelé à consolider les obligations des fournisseurs pour conjurer le risque de défaillance. Les conditions requises pour bénéficier d’une autorisation de fourniture d’électricité doivent être confortées avec l’imposition d’obligations prudentielles.
De plus, il faut centraliser les demandes et les contrôles liés à ces autorisations auprès du régulateur plutôt que du ministère, et ce dans un souci de rationalité et d’efficacité.
Une fois délivrées, ces autorisations doivent bien sûr être mieux encadrées, avec des suspensions et des retraits effectifs.
En outre, notre commission a appelé à améliorer la protection des consommateurs. Les conditions permises pour modifier les contrats doivent être limitées, avec un allongement du délai de prévenance.
L’information sur les offres, notamment sur leur caractère risqué, peut aussi progresser.
Enfin, le comparateur d’offres du médiateur national de l’énergie doit être complété selon une logique de name and shame.
Le projet de loi sur la souveraineté énergétique doit permettre d’avancer sur ces importants sujets de régulation. Certains des articles proposés sont utiles, comme ceux qui tendent à renforcer l’information des consommateurs, à encadrer les modifications des contrats, à étendre les tarifs réglementés, à imposer des obligations prudentielles ou à consolider les contrôles et les sanctions.
En revanche, aucune décentralisation des autorisations de fourniture d’électricité du ministère vers le régulateur n’est prévue. Et si le régulateur est mentionné, le médiateur est omis.
De plus, il restera à évaluer l’impact sur les consommateurs du « versement universel nucléaire ». En effet, il faut s’assurer que ce versement renforce le principe de péréquation tarifaire, qui garantit l’accès à l’électricité à un même prix sur l’ensemble du territoire, ainsi que les tarifs réglementés, qui protègent les deux tiers des consommateurs résidentiels d’électricité.
Monsieur le ministre, entendez-vous consolider le projet de loi en ce sens avant son dépôt ? Sinon, nous le ferons. Et comptez-vous reprendre par voie réglementaire les autres préconisations formulées par notre commission ? En particulier, le dispositif de l’Arenh sera-t-il revu d’ici à son extinction pour éviter que le scénario de 2022, marqué par un évident effet d’aubaine, ne se reproduise ?
En cette période très incertaine quant à l’évolution des prix, les consommateurs ont besoin d’un cadre législatif et réglementaire protecteur, car l’accès à l’électricité de première nécessité relève en définitive d’un principe de solidarité nationale. Or, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique, 3, 4 millions de ménages étaient en situation de précarité énergétique en 2021, soit 11, 9 % du total.