Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 24 janvier 2024 à 15h00
Protéger le groupe électricité de france d'un démembrement — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Bruno Le Maire :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai concis et clair : il n’a jamais été question de démembrer le groupe Électricité de France (EDF).

Nous allons examiner la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement, mais je veux rassurer tout le monde ici et, en dehors de cet hémicycle, tous nos compatriotes : aucun démembrement d’EDF n’est prévu.

Nous avons définitivement abandonné le projet Hercule, qui avait suscité l’inquiétude des salariés d’EDF.

Le Président de la République et moi avons pris une décision radicale – prendre le contrôle de 100 % d’EDF –, qui devrait suffire à rassurer tout le monde puisqu’elle nous donne les mains libres pour conduire une politique ambitieuse pour la nation française et pour EDF.

Lors de mon premier déplacement comme ministre de l’énergie, je me suis rendu à Gravelines, site de la centrale nucléaire la plus importante d’Europe. À cette occasion, j’ai dit aux salariés de Gravelines, et, à travers eux, à tous les salariés d’EDF, que j’étais le garant de l’unité de cette grande entreprise française, dont dépend une grande partie de notre avenir.

Je profite de cette discussion générale pour répondre à trois questions essentielles, auxquelles je suis confronté au moment où je prends mes fonctions de ministre de l’énergie.

Que demandons-nous à EDF ? Que voulons-nous pour la Nation ? Que voulons-nous pour les Français ?

Nous demandons précisément trois choses à EDF.

Premièrement, EDF doit produire davantage. Chacun connaît les difficultés qu’a rencontrées l’entreprise au cours des mois qui se sont écoulés, notamment à la suite des problèmes de corrosion sous contrainte. Elles ont été résolues, et je tiens à remercier ici les salariés d’EDF.

Notre objectif commun doit être qu’EDF produise 400 térawattheures par an d’ici à 2030. Nous consommons plus d’électricité ; EDF doit donc en produire massivement. Voilà ce dont nous avons d’abord besoin.

Deuxièmement, nous demandons à l’entreprise publique d’investir à la fois dans le nucléaire, notamment pour réaliser six nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR) – huit autres seront mis à l’étude –, et dans les énergies renouvelables. Ce sont deux technologies complémentaires : l’énergie nucléaire garantit la stabilité et les énergies renouvelables viennent en surcroît. Aussi, nous attendons d’EDF qu’elle augmente les capacités de production des éoliennes offshore et terrestres, des panneaux photovoltaïques et des centrales hydroélectriques.

J’aimerais que chacun mesure le défi industriel que représente la réalisation de six nouveaux EPR. Il s’agit d’un défi financier considérable – il se chiffre en dizaines de milliards d’euros –, un défi en termes d’ingénierie, de technologie, de terrassement et de génie civil.

On se rend bien compte que pour réaliser de nouvelles tranches à Gravelines, il faudra d’abord creuser des fondations à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, traverser les couches sablonneuses et argileuses avant d’atteindre un sol solide, pour ensuite construire des piliers d’acier d’une dizaine de mètres de hauteur, capables de supporter une charge de deux millions de tonnes, et enfin installer des réacteurs.

Puis il faudra faire le design le plus simple possible pour qu’il soit reproductible de manière régulière sur des réacteurs têtes de série et, ensuite, sur des séries entières de réacteurs.

Tout cela nécessite une ingénierie industrielle que nous n’avons pas mobilisée depuis près d’un demi-siècle en France.

Il s’agit donc d’un défi considérable pour EDF. Je veillerai à ce qu’il soit relevé, de sorte que les ambitions affichées par le Président de la République puissent se traduire par des réalisations concrètes.

Troisièmement, nous voulons pour EDF la stabilité financière ; nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de ce débat.

J’entends bien ceux qui arguent qu’EDF ayant été nationalisée – ses capitaux sont désormais à 100 % publics –, l’entreprise n’a qu’à proposer des prix cassés pour les ménages comme pour les entreprises. Mais si EDF est ruinée, c’est le contribuable qui devra recapitaliser l’entreprise et l’on ne sera guère plus avancé ! Il est donc essentiel de garantir la stabilité financière d’EDF.

La dette d’EDF s’élève à 65 milliards d’euros, ce qui en fait l’entreprise émettant le plus de dettes en Europe, alors même que les taux d’intérêt sont élevés. Il est donc essentiel de garantir la soutenabilité financière d’EDF. Cela aussi relève de ma responsabilité.

Que voulons-nous pour la Nation ?

Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen du projet de loi de programmation pluriannuelle de l’énergie et du climat.

Je le sais, le retrait du volet programmatique du projet de loi sur la souveraineté énergétique a fait couler beaucoup d’encre. Je veux toutefois rassurer tout le monde : je l’ai fait pour mettre le sujet non pas sous le tapis, mais en pleine lumière, afin que nous puissions en discuter sereinement.

On ne fait pas une programmation pluriannuelle de l’énergie et du climat en quelques jours, dans la précipitation. Ce serait, selon moi, une erreur.

J’ai eu l’occasion de dire aux associations, aux ONG, aux élus locaux que je souhaitais que nous prenions le temps d’en discuter ensemble, mais aussi avec nos compatriotes, car une telle programmation emporte des choix technologiques, industriels et financiers, mais également sociaux et territoriaux.

Il n’a échappé à personne dans cette assemblée qui représente les territoires que près d’un tiers des capacités d’énergie produites par les éoliennes terrestres se situent actuellement soit dans les départements du nord de la France, soit dans la région Grand Est. Un certain nombre de nos compatriotes qui habitent dans le Nord ou dans la région Grand Est se demandent pourquoi les éoliennes terrestres sont toujours installées chez eux ! Pourquoi la répartition n’est-elle pas plus équitable ? Il faut en débattre avec les Français.

On veut avancer non pas contre les Français, mais avec eux, …

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