Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 24 janvier 2024 à 15h00
Protéger le groupe électricité de france d'un démembrement — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Monsieur le ministre, la discussion de la proposition de loi déposée par le député Philippe Brun avait suscité, lors de son examen en première lecture au Sénat, voilà neuf mois, un « enthousiasme général », selon le trait malicieux du rapporteur de l’époque, Gérard Longuet.

Neuf mois plus tard, le même enthousiasme semble toujours accompagner l’examen de ce texte, au moins chez ceux qui siègent à la gauche de cet hémicycle, puisqu’ils ont réinscrit le texte, en deuxième lecture, à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale puis du Sénat.

Toutefois, en neuf mois, le contexte a évolué. L’entreprise Électricité de France a été retirée de la côte le 8 juin dernier, dix-sept ans après son introduction en bourse. Certaines dispositions du texte initial n’ont donc plus lieu d’être. C’est pourquoi nous n’avons plus qu’à nous prononcer sur trois articles.

L’article 3 ter, qui prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur l’intérêt de nationaliser Électricité de Mayotte, dont le capital est, je le rappelle, détenu conjointement par l’État, EDF et le conseil départemental de Mayotte, ne pose aucune difficulté.

L’article 3 bis prévoit l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) à toutes les petites et moyennes entreprises (PME) sans seuil de puissance souscrite. Depuis longtemps, le Sénat demande aux gouvernements successifs de revenir sur la surtransposition de la directive européenne du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.

La directive permet d’octroyer le bénéfice des TRVE à toutes les microentreprises. Pourquoi donc avoir introduit une distinction entre les commerçants, les artisans, les restaurateurs selon la puissance qu’ils ont souscrite ?

La suppression de ce seuil de puissance, aujourd’hui fixé à 36 kilovoltampères, permettra demain à toute collectivité ou entreprise réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros et employant moins de dix équivalents temps plein travaillé de bénéficier des tarifs réglementés de vente. Je le rappelle, il n’est pas possible d’élargir le périmètre des entités éligibles au-delà de cette définition sans contrevenir au droit européen.

Soyons honnêtes, un tel déplafonnement aurait pris tout son sens au moment de la flambée des prix de l’électricité sur les marchés de gros. Si un tel plafond, à hauteur de 36 kilovoltampères, n’avait pas existé, nombre de nos très petites entreprises (TPE) ou de nos commerçants n’auraient pas été confrontés à de telles difficultés financières. Le Gouvernement, lui, n’aurait pas eu à déployer des dispositifs de soutien, parfois difficilement accessibles.

Compte tenu du prix actuel, un tel déplafonnement a moins de sens, les offres de marché concurrençant désormais les TRVE.

J’ai gardé pour la fin le sujet le plus sensible, soulevé par l’article 2. Comme l’avait déjà souligné avec justesse notre ancien collègue Gérard Longuet, la crainte d’un démembrement d’EDF pose en creux des questions sur le futur du marché européen de l’électricité. Or le ministre nous a rassurés : de démembrement, il n’est plus question !

Depuis 2002, le marché européen de l’électricité est ouvert à la concurrence ; personne ne songe à remettre en cause ce principe, me semble-t-il.

En vertu du principe de liberté d’accès au marché, les tiers doivent pouvoir accéder au réseau électrique. En raison de l’évident monopole en la matière, multiplier les réseaux de transport et de distribution serait une véritable gabegie, aussi bien d’un point de vue financier qu’écologique, vous en conviendrez, monsieur le ministre.

Il faut donc accepter que Réseau de transport d’électricité (RTE) et Enedis soient indépendants d’EDF, même si cette dernière en est actionnaire, parce qu’elle n’est que l’un des multiples utilisateurs des réseaux.

Conformément à l’alinéa 9 du préambule de 1946, le capital des deux sociétés, Enedis et RTE, demeure public à 100 %.

Afin de ne pas figer l’organisation du groupe et pour permettre l’évolution des actifs détenus par EDF, qu’ils soient localisés sur le territoire national ou à l’étranger, la commission des finances a substitué à la liste des activités exercées par l’entreprise une disposition prévoyant la signature d’une convention décennale avec l’État, révisée tous les trois ans.

En effet, le plus important est moins de figer les moyens dont dispose l’entreprise que de s’intéresser à ses résultats. Il est également indispensable de lui donner de la visibilité sur les orientations à moyen terme de l’État actionnaire, au-delà de la seule question de la soutenabilité financière, monsieur le ministre !

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