Intervention de Vanina Paoli-Gagin

Réunion du 24 janvier 2024 à 15h00
Protéger le groupe électricité de france d'un démembrement — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Vanina Paoli-GaginVanina Paoli-Gagin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités », disait le général de Gaulle : cela peut paraître décevant, mais c’est fatidique. Le législateur doit agir sur le réel, c’est-à-dire sur ce qui existe déjà. Telle est notre condition. L’oublier, c’est faire preuve de vanité. L’ignorer, c’est verser dans l’hubris.

Une chose est certaine : les auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en seconde lecture n’ont pas cédé à ces tentations, bien au contraire. Ils font preuve d’une grande humilité en se donnant pour projet d’écrire, et même de décrire, dans la loi ce qui existe déjà.

En effet, l’essentiel du texte tient à son article 2, qui prévoit que le capital social d’EDF est détenu à 100 % par l’État. Il y a quelques mois, la puissance publique en détenait déjà 84 %, bien au-delà du seuil de 70 % prévu par la loi. L’État possédait déjà plus de capital que ce à quoi il était tenu. Il en détient désormais la totalité et la loi viendrait, par la suite, l’y obliger : dont acte. Mais restons modestes : il est toujours plus facile de modifier la loi que de construire un réacteur nucléaire. L’industrie ne se paie pas de mots.

À titre personnel, je ne vois pas d’un mauvais œil la reprise en main d’EDF par l’État. Je n’estime pas que la puissance publique soit la mieux indiquée pour décarboner notre mix énergétique : les acteurs privés y contribuent d’ores et déjà de façon massive, notamment grâce à leur capacité d’innovation, à leurs capitaux et à leur agilité. Mais la relance du nucléaire est nécessaire et c’est à l’État de s’en charger.

Grâce à l’atome, notre mix électrique est déjà l’un des moins carbonés au monde. Toutefois, au-delà de la production d’électricité, la France reste gravement dépendante du pétrole.

Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, renforcer notre souveraineté énergétique et stabiliser les coûts, il faudra augmenter la production nucléaire et opérer des transferts d’usage afin d’électrifier notre consommation finale. Il faudra aussi continuer d’investir pour innover dans ce domaine, en déployant des solutions de stockage, de régulation et de pilotage des réseaux et en développant les SMR (Small Modular Reactors), voire, plus tard, les réacteurs à fusion.

Monsieur le ministre, je saisis cette occasion pour vous rappeler que le site de Nogent-sur-Seine, dans l’Aube, qui a été conçu pour accueillir quatre réacteurs, n’en compte actuellement que deux. Les élus locaux, au premier rang desquels la maire de Nogent-sur-Seine, Mme Estelle Bomberger-Rivot, dont je tiens à saluer l’action, sont volontaires pour accueillir de nouveaux réacteurs, avec mon entier soutien.

Notre département, qui a tant souffert des délocalisations industrielles, sait tout ce que cette activité peut apporter. Nous irons plus loin, notamment avec des formations ad hoc de tous niveaux dans ce domaine.

À l’avenir, les problèmes d’acceptabilité sociale mettront sans doute encore en question la relance du nucléaire : il n’est pas inutile de pouvoir compter sur des collectivités territoriales volontaires.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, on peut rester sceptique quant à l’utilité de cette proposition de loi tout en étant attaché à l’actif industriel que consolide EDF.

Je tiens toutefois à saluer le travail de notre rapporteur, qui a considérablement amélioré le présent texte. Si les dispositions relatives au capital d’EDF paraissent redondantes, celles sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité sont de bonnes nouvelles – je le souligne à mon tour –, à la fois pour nos TPE et pour nos petites communes.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé dimanche ce que nous savions déjà : les tarifs de l’électricité vont augmenter de près de 10 %. La fin du « quoi qu’il en coûte » nous ramène brutalement à la réalité. Elle nous rappelle aussi qu’une énergie stable, décarbonée et compétitive est un atout stratégique pour notre pays.

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