Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face aux annonces gouvernementales, la renationalisation d’EDF apparaît comme une énigme à déchiffrer ; un certain nombre d’entre nous s’interrogent d’ailleurs légitimement sur la pertinence du présent texte.
On s’efforce d’afficher des engagements en faveur d’une EDF publique, mais la détention du capital n’est qu’un voile fragile, insuffisant pour protéger l’entreprise des menaces de démantèlement.
En toile de fond de cette scène politique, le projet Hercule s’avance, annonçant un drame en deux actes : entre nationalisation nucléaire et ouverture sélective, il interroge l’avenir de notre principal fournisseur d’électricité.
Le fil conducteur de cette proposition de loi transcende la simple nationalisation. En effet, le présent texte s’érige en rempart pour préserver l’intégrité du groupe EDF contre tout risque de démembrement. Il se veut aussi une sentinelle vigilante, s’opposant à toute future réforme concoctée en coulisses, échappant ainsi au dialogue social, aux travailleurs, aux usagers et au débat parlementaire.
Cette proposition de loi prévoit également l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité aux très petites entreprises, indépendamment de leur puissance électrique, ainsi qu’aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) pour l’année 2023.
Or, en première lecture, le Sénat a fait preuve d’une myopie regrettable et même désolante, en occultant les missions essentielles du groupe EDF. Il s’est contenté d’afficher la détention publique de la société : cette omission est symptomatique d’une vision réductrice.
Le Sénat a réduit l’effet potentiellement positif de l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité : il l’a abusivement restreint au consommateur final domestique, aux très petites entreprises et aux collectivités territoriales de taille équivalente.
À l’inverse, il est impératif d’insuffler une véritable ambition en reconnaissant pleinement les missions d’EDF dans la reconquête de la souveraineté énergétique, conformément au préambule de la Constitution de 1946, lequel assure – je le rappelle – que tout service public national ou monopole de fait doit appartenir à la collectivité.
EDF est une entreprise singulière : il est absolument crucial de détailler ses activités dans la loi pour la défendre contre d’éventuelles attaques. Je pense en particulier à ceux qui, depuis près de deux décennies, cherchent à affaiblir l’opérateur historique au nom d’une logique mercantile, promouvant une libre concurrence sauvage.
Contrairement à ce qui nous était promis, ce marché unique n’a permis ni de réduire les prix ni de stimuler l’innovation technologique, encore moins d’améliorer le service rendu aux consommateurs, bien au contraire.
Mes chers collègues, la hausse historique des prix que nous connaissons aujourd’hui, laquelle dépasse 44 % en deux ans, n’est pas seulement conjoncturelle : elle est l’aboutissement d’une crise structurelle.
Dans un contexte budgétaire asphyxiant, nous avons besoin d’une véritable planification énergétique.
L’an passé, faute d’une stratégie énergétique digne de ce nom, le Gouvernement, pressé par l’urgence, prenait des mesures d’austérité. Aujourd’hui, l’annonce d’une hausse des tarifs de près de 10 % pour tous les usages résonne comme un nouvel empêchement.
Monsieur le ministre, il est impossible de couper le chauffage lors des vagues de grands froids, comme nous venons d’en connaître. Or, à l’heure où le nombre de travailleurs au Smic ne cesse de progresser, la situation devient intenable pour de nombreuses familles, qui n’auront d’autre choix que de s’y résoudre. Que faudra-t-il sacrifier ensuite au nom de cette folie qu’est la dérégulation du marché de l’énergie ?
Un peu de sincérité : augmenter les tarifs de l’électricité tout en privant les PME, les ETI et la plupart des collectivités territoriales du TRVE est une décision politique contraire aux discours sur la relocalisation et la réindustrialisation.
Cette proposition de loi apparaît ainsi comme le prélude d’une vaste symphonie législative. Il nous faudra poursuivre la mélodie de la réflexion et orchestrer une loi d’envergure pour la renationalisation intégrale du secteur énergétique.
Les défis imminents, de l’électrification des usages à la décarbonation de notre mix énergétique, ainsi que la sortie de 15 millions de personnes de la précarité énergétique, nécessiteront une partition législative plus étendue.
Nous voterons cette proposition de loi, bien que nous regrettions qu’elle s’éloigne de son objectif initial.