Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’en est-il de la situation, de la trajectoire et de l’avenir d’EDF ?
Les chiffres sont vertigineux, voire éloquents : 17, 9 milliards d’euros de déficit d’exploitation en 2022 pour le premier producteur et fournisseur d’électricité européen, l’entreprise EDF, qui prend l’eau, entre crise énergétique et libéralisation du marché, et ce en raison de l’obligation qui lui est faite de vendre son électricité à la concurrence à un tarif inférieur aux prix de marché, lequel a, reconnaissons-le, beaucoup évolué depuis l’adoption de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi Nome. Notons à cet égard que quasiment aucun des concurrents d’EDF ne produit l’énergie qu’il revend ni n’a d’ailleurs l’obligation de le faire.
Rappelons aussi deux faits importants : d’un côté, la dette d’EDF – 65 milliards d’euros – est sans précédent ; de l’autre, les prix de l’électricité vendue par EDF aux ménages vont augmenter de 9, 8 % à compter du 1er février 2024 en raison du rétablissement progressif de la TICFE.
Alors que le projet Hercule n’a pas été validé, le Parlement examine aujourd’hui les mesures nécessaires pour protéger EDF d’un démembrement – tel est le titre originel de cette proposition de loi. Les sénateurs ont à cœur d’offrir à cette entreprise les conditions d’un développement stable et sécurisé, ce qui avait été proposé en première lecture, ici même, au Sénat.
Il est temps d’expliquer aux Français le pourquoi et le comment. Il est tout de même question de subventions publiques massives : EDF doit augmenter ses investissements d’environ 25 milliards d’euros par an, afin d’assurer la maintenance du parc nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs.
Pour mémoire, la loi du 8 avril 1946 a créé Électricité de France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte où notre pays avait besoin que l’on construise de nombreuses centrales. La nationalisation visait à redresser l’économie, à moderniser l’existant, à favoriser l’indépendance énergétique et à reprendre le contrôle sur la stratégie de la France.
Ces objectifs sont toujours au goût du jour.
Rappelons que, selon la Banque de France, l’économie française a évité de peu le scénario noir de la récession : après un troisième trimestre négatif, notre PIB a légèrement progressé – de 0, 1 point – en fin d’année, le quatrième trimestre étant du même tonneau.
En ce début de troisième millénaire, l’entreprise EDF est confrontée à la nécessité de développer des solutions énergétiques innovantes et moins polluantes ; quant à nos gouvernements, ils sont contraints de discuter avec Bruxelles dans le cadre des différentes étapes de négociation de la refonte globale du secteur énergétique français et des contours du futur marché européen de l’électricité.
Le Parlement doit proposer un texte permettant à EDF de retrouver des marges de manœuvre financières pour garantir la fourniture d’une électricité bon marché et décarbonée au sein d’une économie ouverte et compétitive, dans un cadre réglementaire sécurisé.
Le travail de la commission des finances du Sénat, au travers du rapport de notre collègue Christine Lavarde, élaboré en lien avec notre rapporteur général Jean-François Husson, a permis d’aboutir à un texte équilibré.
Je tiens à cette occasion à rappeler les mots que nous a adressés le président du Sénat, Gérard Larcher – dont vous avez loué la sagesse il y a quelques instants, monsieur le ministre –, à l’occasion de ses vœux : « L’année 2024 doit conduire à un dialogue plus interactif entre le Parlement et l’exécutif. »
La stratégie énergétique de la France, via la question de la trajectoire d’EDF, est un sujet primordial du débat politique, lequel doit avoir lieu avec le Parlement.
La position du Sénat reste conforme à celle qui a été défendue par notre assemblée en première lecture le 6 avril 2023.
Notre Haute Assemblée rappelle l’importance pour EDF de pouvoir céder, si besoin était, certaines activités, à l’exception expresse du réseau de distribution publique, Enedis. Il y va des engagements économiques d’EDF en faveur d’une énergie décarbonée et compétitive. C’est ce qui lui permettra, ainsi qu’aux consommateurs - particuliers, collectivités et entreprises -, d’atteindre nos objectifs en la matière. Nous plaidons à ce titre en faveur de l’extension des TRVE aux TPE et aux PME sans considération de puissance électrique.
En outre, la commission des finances du Sénat a prévu un contrat décennal, révisable tous les trois ans, entre l’État et EDF pour définir les trois principaux objectifs de l’entreprise : décarbonation de la production, maîtrise des prix et adaptation des capacités de production à l’évolution de la demande d’électricité.
Je voudrais, pour conclure, évoquer la situation des ménages français. Au 1er février prochain, pour ceux d’entre eux dont la consommation annuelle d’électricité est de 8 500 kilowattheures, ce sont 200 euros qui s’ajouteront à une facture moyenne de 1 622 euros. La flambée des factures s’invite dans nos campagnes ! Et je pense tout naturellement aux élections européennes qui auront lieu au printemps prochain et aux grognes dont les maires de France se font l’écho.
Nous devons demeurer vigilants. Il est d’ailleurs dommage que les propositions de la majorité sénatoriale, qui souhaite que le soutien à l’approvisionnement des ménages fluctue en fonction des déciles de revenus, n’aient pas été retenues lors de l’examen de la loi de finances pour 2024. Elles auraient permis un effort proportionné de chacun, en vue de permettre à l’entreprise nationale de relever le double défi qui se présente à elle.
Pour moi, comme dans bien d’autres domaines où les productions n’ont pas la valeur marchande de biens de consommation usuels – je pense en particulier à l’eau –, il est temps de décliner des politiques publiques de long terme, de portée stratégique, pour la maîtrise de notre avenir énergétique, et ce afin de répondre à un triple objectif : assurer notre autoapprovisionnement, garantir un prix juste et acceptable et permettre à notre industrie de redevenir compétitive et de se réinstaller sur le sol national.
Monsieur le ministre, donnons-nous rendez-vous prochainement pour débattre de l’évolution, des transformations nécessaires, des cessions, des grilles tarifaires et de la taxe sur l’énergie, …