Intervention de Rémi Féraud

Réunion du 24 janvier 2024 à 15h00
Décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Rémi FéraudRémi Féraud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter cet après-midi prévoit : la mise en place d’un décompte annuel, sur l’ensemble du territoire, du nombre de personnes contraintes de dormir à la rue ; mais aussi l’élaboration d’un rapport comportant les éléments de ce diagnostic et une liste de recommandations, qui sera transmise chaque année à la représentation nationale.

Qu’on ne se trompe pas sur la nature de ce texte : il instaure un décompte, certes, mais avec un objectif, que ce décompte fasse bouger les choses et mette la question des sans-abri au premier rang des priorités politiques.

Ce texte doit être un outil qui fasse monter en puissance l’action publique en mobilisant tous les acteurs et en premier lieu l’État, dont c’est la responsabilité.

Il s’inscrit par ailleurs dans un double contexte d’urgence sociale et de crise profonde du logement dans notre pays. Car soixante-dix ans après l’appel de l’abbé Pierre, la situation se dégrade partout en France, et de manière dramatique.

Ce début d’année a été marqué par une vague de froid intense, durant laquelle plusieurs personnes sans abri sont mortes dans la rue. Le collectif Les Morts de la rue, dont je salue la présence en tribune ainsi que celle des Oubliés de la République, dénombre chaque année près de 700 décès de personnes sans abri.

Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France fait quant à lui état de plus de 4 millions de personnes mal logées, dont 1 million sont privées de logement personnel. Parmi ceux-ci, la Fondation estime à 330 000 le nombre de personnes sans domicile fixe, qu’elles vivent à la rue, dans un abri de fortune, à l’hôtel, en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) ou dans un centre d’hébergement généraliste.

L’année 2023 est aussi celle d’un triste record : celui du nombre d’enfants vivant à la rue, environ 3 000 d’après les estimations. Cette situation révoltante, contraire à nos lois, à nos valeurs universelles, est une réalité. Le Gouvernement ne peut pas continuer de la nier ou de la sous-estimer. Comme élus, nous le voyons dans nos écoles à Paris, à Lyon, à Toulouse et ailleurs.

Tous ces chiffres se traduisent concrètement par des situations de détresse sociale très concrètes : enfants vivant dans l’incertitude quotidienne de l’accès à une place d’hébergement, personnes sans abri, familles trouvant refuge dans des voitures, les urgences hospitalières ou des halls d’immeuble, sans compter des phénomènes comme la recrudescence de la précarité alimentaire ou la dégradation de la santé.

Il est d’autant plus difficile pour les associations de faire face à cette crise sociale, marquée par la recrudescence de la grande pauvreté, qu’elles ne sont pas suffisamment soutenues et qu’elles doivent accompagner des personnes aux parcours très divers : travailleurs précaires, migrants, personnes souffrant de troubles psychiatriques, jeunes en sortie de l’aide sociale à l’enfance (ASE), isolés et se retrouvant sans ressources à leur majorité.

La période actuelle conjugue par ailleurs plusieurs facteurs de fragilisation : crise climatique, migratoire et sociale ; inflation, en particulier des prix alimentaires ; insuffisance de logements sociaux et coût prohibitif du logement privé ; saturation des dispositifs d’hébergement d’urgence.

Or, face à cette crise du logement et de l’hébergement inédite depuis trente ans et qui rappelle – sans exagérer – l’hiver 1954, où en sommes-nous des actions mises en œuvre ?

Je vous ferai grâce des engagements pris par le président Macron lors de ses vœux pour l’année 2018, qui avait promis que plus une seule personne ne dormirait à la rue, ou des propos de l’ancien secrétaire d’État au logement la même année, lequel avait estimé à une cinquantaine de personnes le nombre de sans-abri dans toute l’Île-de-France…

En mai dernier – cela n’est pas très ancien –, le Gouvernement a annoncé, par la voix du ministre du logement, la création d’un observatoire du sans-abrisme à la suite des interpellations du Sénat à ce sujet. Qu’en est-il aujourd’hui ? À ma connaissance, rien ne s’est passé depuis la réunion d’installation au printemps 2023.

Par ailleurs, au cours de la dernière discussion budgétaire, un amendement du groupe Union Centriste prévoyant la création de 6 000 places d’hébergement d’urgence a été adopté dans cet hémicycle, mais le Gouvernement l’a fait disparaître avec le 49.3.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion