Intervention de Rémi Féraud

Réunion du 24 janvier 2024 à 15h00
Décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Rémi FéraudRémi Féraud :

Cette gestion « au thermomètre », surtout déterminée par des besoins de communication et des promesses non tenues, ne doit pas masquer une terrible réalité : des milliers de personnes dorment encore dehors dans notre pays.

Le nombre de places d’hébergement s’élève à environ 200 000, le double, certes, de ce qu’il était voilà dix ans, mais il n’empêche que cela reste largement insuffisant. Vous me direz sans doute, monsieur le ministre, que le plan Logement d’abord a permis à plus de 500 000 personnes d’accéder à un logement pérenne. C’est vrai, mais « le logement d’abord » ne doit pas être un simple slogan justifiant de laisser des hommes, des femmes et des enfants dormir dehors. Or le nombre de personnes sans domicile augmente : il est estimé à 330 000 aujourd’hui, contre moins de 150 000 il y a dix ans, et il a triplé en vingt ans. Les choses sont donc claires : la hausse réelle du nombre de places d’hébergement ne suit pas celle du nombre de personnes sans domicile.

C’est cette réalité qui a conduit, voilà un an, des maires de grande ville et des acteurs de la solidarité à signer une tribune appelant le Gouvernement à prendre plusieurs mesures pour lutter contre la grande pauvreté et ne laisser personne à la rue ou sans accompagnement. La présente proposition de loi s’appuie sur leur initiative.

En effet, des solutions existent pour enrayer la spirale négative de la précarité et de l’exclusion, sans mettre en concurrence entre eux les différents publics et les différents territoires, comme c’est trop souvent le cas. Ces solutions sont souvent mises en œuvre par des collectivités locales.

La Ville de Paris a ainsi lancé en 2018 la Nuit de la solidarité, une opération de décompte nocturne des personnes sans abri qui se tient chaque hiver et qui mobilise bénévoles, associations et travailleurs sociaux. Cette opération permet aussi de mieux appréhender les besoins des personnes décomptées, afin de faire progresser les dispositifs d’accompagnement, d’hébergement et d’insertion. Elle permet également d’interpeller l’État sur l’insuffisance de son action en matière d’hébergement.

Les informations qui en émanent sont d’autant plus précieuses que la connaissance du sans-abrisme reste insuffisante dans notre pays, qu’elles sortent ces personnes de l’invisibilité et qu’elles font appel à l’ensemble de la société, grâce à la mobilisation des citoyens bénévoles.

D’autres villes que Paris, partout en France, se sont emparées de cette initiative au cours des dernières années et le texte que je vous présente permet de prolonger cet élan en le généralisant ; c’est d’autant plus légitime que c’est à l’État que revient la responsabilité politique de l’hébergement d’urgence.

Pendant la période de confinement due au covid-19, alors que le mot d’ordre était de rester chez soi, l’État a ouvert, avec l’aide des communes, des places d’hébergement pour permettre à presque toutes les personnes sans abri de trouver un refuge. Et le défi a été relevé ! La Cour des comptes elle-même a reconnu l’efficacité de la dépense publique engagée à cette fin. C’est la preuve que nous pouvons y parvenir, mais à condition d’avoir une volonté politique, fondée sur le réel, c’est-à-dire sur un état des lieux chiffré de manière objective et partagée. En matière d’hébergement, c’est une obligation de résultat qui s’impose.

Permettez-moi enfin, mes chers collègues, de remercier le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et son président, Patrick Kanner, d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat. Je remercie également la commission des affaires sociales – son président, Philippe Mouiller, représenté aujourd’hui par la vice-présidente Gruny, et sa rapporteure, Laurence Rossignol – de son travail constructif sur ce texte. Adopter cette proposition de loi constituerait un progrès important vers le diagnostic et l’identification des moyens nécessaires sur chaque territoire, un levier pour que l’action publique soit à la hauteur de l’enjeu et que personne ne soit contraint, en 2024, de dormir à la rue dans notre pays !

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