Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mesurer l’évolution du nombre de personnes sans abri en France demeure difficile, car il est particulièrement complexe d’appréhender avec précision le cas de cette population en extrême précarité.
Si la dernière enquête de l’Insee datant de 2012 fait état de 12 500 sans-abri, à savoir des personnes qui ont passé la nuit précédant l’enquête à la rue ou dans un lieu non prévu pour l’habitation, le recensement de la population, quatre ans plus tard, porte leur nombre à 27 000. Quant à la Cour des comptes, elle évaluait en 2019 cette population à 40 000 individus.
Ces estimations en constante augmentation demeurent effrayantes, car, derrière tous ces chiffres, se cachent des drames humains : des hommes et des femmes, mais aussi des enfants qui vivent ou plutôt survivent dans le plus grand dénuement sur notre territoire.
Recenser les sans-abri se révèle néanmoins indispensable : la connaissance précise de leur nombre constitue le préalable à toute élaboration de politique de prévention et de lutte contre le sans-abrisme. Aussi, l’organisation annuelle de la Nuit de la solidarité présente l’intérêt de procéder à un tel recensement dans plusieurs villes volontaires à une date identique et d’obtenir ainsi un ensemble de données territorialisées. C’est pourquoi la proposition de loi que nous examinons cet après-midi est la bienvenue.
Son article 1er vise à instaurer, sur le modèle de la Nuit de la solidarité, un décompte systématique dans chaque commune du nombre de personnes sans abri. Ce type de recensement, dont les modalités seront définies par décret, permettra d’élaborer un diagnostic territorial.
Quant à l’article 2, il a pour objet que, à la suite du décompte, le Gouvernement remette au Parlement un rapport comprenant le diagnostic et une liste de recommandations.
Néanmoins, je partage pleinement la position de la commission concernant son souhait de procéder à quelques ajustements.
Ainsi, instaurer un seuil de 100 000 habitants pour l’organisation des nuits de la solidarité tout en maintenant une obligation de collecte de données pour toutes les communes constitue une mesure raisonnable et équilibrée. En effet, le sans-abrisme concerne plus particulièrement les métropoles ; l’organisation d’une nuit de la solidarité nécessite des moyens humains que les petites et moyennes communes rurales n’ont pas.
Par ailleurs, associer le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale me semble pertinent. Cette instance sera consultée sur les conditions de réalisation des décomptes et donnera sur les recommandations formulées un avis, qui sera annexé au rapport.
Avant de conclure, je tiens à saluer la rapporteure, notre collègue Laurence Rossignol, pour la qualité de ses travaux, qui ont permis d’apporter de pertinentes modifications en commission.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet du sans-abrisme nous concerne tous. Il touche à l’humain et dépasse les clivages politiques. Les mesures introduites par cette proposition de loi et utilement modifiées en commission contribueront à une meilleure connaissance tant quantitative que qualitative du phénomène. Elles conduiront à rendre plus efficaces les politiques publiques prises en direction de ces personnes très vulnérables.
Le groupe Les Indépendants votera avec conviction cette proposition de loi, à la fois pragmatique et opportune.