Intervention de Antoine Magnier

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 17 janvier 2024 à 14h00
Rapport relatif à l'évaluation de l'efficacité des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale prévue par la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale — Audition de Mme Laurence Eslous et M. Antoine Magnier inspecteurs généraux des affaires sociales

Antoine Magnier, inspecteur général des affaires sociales :

Vous soulignez que l'obligation organique n'a pas été respectée ; nous ne pouvons pas partager cette appréciation. Notre grille d'analyse a été diffusée lors de la publication de l'annexe associée au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Cette annexe comprenait également des fiches individuelles pour chaque mesure retenue par l'Administration. Leur contenu a pu être complété et actualisé par les travaux d'évaluation identifiés dans le cadre de notre mission.

Les travaux conduits en 2011 par le comité d'évaluation des défenses fiscales et des niches sociales, présidé par M. Guillaume, datent d'une douzaine d'années. Les observateurs pourraient considérer que certaines conclusions ne sont plus d'actualité. Ces travaux mobilisaient d'importants moyens, essentiellement au sein d'administrations du ministère de l'Économie et des Finances. Traditionnellement, les missions des services d'inspection, plus usuelles, ne font pas l'objet de tels moyens ni de telles ambitions.

Plusieurs conclusions de la mission conduite en 2015 sont présentées dans l'annexe du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de 2022. Les attendus de cette mission diffèrent de la nôtre. Pour rappel, elle avait été demandée par les ministres compétents au début de la mise en oeuvre du « bandeau famille » et de la création du CICE. Cette mission ne concernait pas les dispositifs généraux, mais des mesures ciblées. Elle devait évaluer l'efficience des mesures, repérer celles dont la pertinence pouvait être réinterrogée et évaluer les conséquences sur les recettes de la suppression des dispositifs jugés peu efficients. Les éléments d'analyse produits par la mission avaient sensiblement renforcé l'information sur ces mesures ciblées. La mission proposait également une grille d'analyse s'appuyant sur des caractéristiques descriptives, d'une part, et sur un système d'indicateurs d'alerte, d'autre part. La grille ne proposait pas une cotation du degré d'efficience et d'efficacité des mesures ; elle visait à repérer les mesures nécessitant des travaux d'évaluation complémentaires et à orienter un futur programme d'évaluation.

Nous nous sommes inspirés de ces travaux. Pour répondre aux nouvelles exigences de la loi organique, il nous semble impératif de consacrer davantage de moyens à l'évaluation de ces mesures et de penser l'organisation des travaux d'évaluation dans la durée.

L'évaluation de l'efficacité des niches composites demeure complexe. Ces mesures générales concernent un très grand nombre de salariés, ce qui complexifie la mise en oeuvre des techniques statistiques économétriques quasi expérimentales. En outre, ces dispositifs portent sur des montants très conséquents, rendant difficile l'interprétation des résultats - les enjeux financiers sont tels que les mesures affectent les entreprises qui en bénéficient, mais aussi celles qui n'en bénéficient pas ou qui en bénéficient peu de manière directe. Enfin, depuis plus de 20 ans, ces mesures sont déployées conjointement avec d'autres. Or, les approches économétriques et statistiques usuelles ne parviennent pas à distinguer les effets propres à chaque mesure. Les dernières réformes des mesures d'allègements généraux recouvrent plusieurs aspects et ont parfois été prises parallèlement à d'autres types de politiques publiques. De plus, les effets de la crise sanitaire compliqueront la mise en oeuvre des mesures. Ces difficultés persisteront donc dans les années à venir. Elles pourraient même s'amplifier.

Nos travaux nous amènent néanmoins à préconiser la poursuite des évaluations de ces dispositifs, au regard notamment de leurs enjeux financiers, économiques et sociaux. Les réformes conduites ces dix dernières années sont importantes et emportent plusieurs composantes. Selon nous, il serait souhaitable d'envisager de nouveaux travaux d'évaluation pour éclairer certains aspects de ces mesures.

Nous disposons de nombreux travaux d'évaluation des dispositifs ciblant les bas salaires. Ces derniers portent essentiellement sur la ristourne dégressive telle qu'elle a été conçue dans les années 90 et, dans une moindre mesure, sur les mesures prises au cours de la seconde moitié des années 90. Pour autant, ces travaux ne permettent pas d'isoler l'impact de l'élargissement de ces allègements par rapport à d'autres mesures - dont la réduction du temps de travail.

Beaucoup a également été fait pour évaluer l'impact du CICE. L'organisation retenue pour cette évaluation doit nous inspirer.

La poursuite de l'évaluation de ces travaux améliorera notre appréhension des effets de la ristourne dégressive sur les trajectoires salariales. Elle nous permettra aussi, d'une part, de mieux apprécier l'effet propre des « bandeau famille » et « bandeau maladie », et d'autre part, de disposer d'éléments plus généraux sur l'impact de ces dispositifs sur la structure productive de notre économie.

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