Intervention de Marie Lebec

Réunion du 25 janvier 2024 à 10h30
Pratiques des centrales d'achat de la grande distribution implantées hors de france — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Marie Lebec :

Madame la présidente, madame la sénatrice Loisier, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis 2017, le Gouvernement est pleinement engagé pour la protection des revenus des agriculteurs. C’est un élément auquel le Sénat est particulièrement attentif, je le sais, et le débat que propose le groupe UC aujourd’hui l’illustre parfaitement.

Le revenu agricole, c’est aussi un sujet sur lequel nous avons constamment besoin de travailler. La rémunération des agriculteurs soulève nombre de difficultés qui se cristallisent dans les mobilisations que l’on observe aujourd’hui. La première des réponses que nous devons y apporter, c’est la stricte application des lois qui ont été votées par le Parlement, sans contournements.

Les agriculteurs assurent une mission absolument essentielle : ils nous nourrissent ! Cette mission est d’autant plus essentielle que notre capacité à produire pour nous nourrir redevient aujourd’hui un enjeu stratégique avec le retour de la guerre en Europe, l’alimentation étant de nouveau utilisée comme une arme par des puissances étrangères.

Pour autant, le partage de la valeur est insuffisant en la matière et les agriculteurs bénéficient encore trop peu de leurs gains de productivité. Pour une répartition plus juste, le Gouvernement agit donc sans relâche depuis 2017 et les États généraux de l’alimentation.

À ce titre, le Gouvernement a soutenu le vote et la mise en œuvre de la loi Égalim 2, qui a constitué une avancée majeure dans l’organisation des négociations commerciales entre l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur. L’objectif est de pouvoir conjuguer défense du pouvoir d’achat alimentaire des consommateurs et protection des revenus des agriculteurs. Il faut de surcroît que nous assumions collectivement, dans le débat public, qu’une agriculture qui produit dans des conditions respectueuses de l’environnement a un coût, donc un prix.

Pour atteindre cet objectif, la loi Égalim 2 organise la construction du prix « en marche avant » et la sanctuarisation de la matière première agricole tout au long de la chaîne, de la production à la distribution en passant par la transformation.

À cette fin, le texte repose sur deux piliers.

En amont, entre l’agriculteur et le premier acheteur, la loi impose la contractualisation écrite de la relation commerciale ; ainsi, celle-ci peut prendre en compte les coûts et leur évolution.

En aval, entre l’industriel et le distributeur, c’est-à-dire la chaîne de supermarchés, la loi prévoit le « soclage » des coûts de la matière première agricole. Ceux-ci ne peuvent pas être renégociés par le distributeur, et ce afin de préserver l’équilibre de la relation commerciale finale avec l’agriculteur en amont de la chaîne.

Pour veiller à l’application de cette loi, le Gouvernement mobilise massivement les agents de la DGCCRF. Ainsi, chaque année depuis trois ans, plus de 120 agents sont missionnés. Il faudra, dans les semaines qui viennent, faire encore davantage.

À titre d’exemple, sur la relation aval entre le fournisseur et le distributeur, des contrôles sont effectués chez chacun des principaux distributeurs. Plus de 500 relations contractuelles avec les principaux industriels sont ainsi vérifiées.

En cette période de fin de négociations commerciales, la mobilisation des agents de la DGCCRF est particulièrement forte et se poursuivra dans les prochains jours.

En cas de constatation d’un manquement à ces obligations, la DGCCRF peut recourir à des leviers juridiques puissants. Elle dispose en effet d’un pouvoir d’injonction sous astreinte financière pour contraindre un opérateur à mettre ses pratiques et ses contrats en conformité avec le droit applicable. Ce pouvoir a été mis en œuvre contre les trois grandes enseignes qui pratiquaient des pénalités logistiques.

La DGCCRF peut également prendre directement des sanctions administratives en cas de non-respect de la date butoir ou du formalisme contractuel, comme elle l’a fait en 2019 contre quatre enseignes de la grande distribution.

Enfin, elle peut assigner en justice un opérateur pour des pratiques abusives, telles que le déséquilibre significatif, et demander au juge civil de prononcer une amende. En 2019, la DGCCRF a ainsi demandé au juge de prononcer une amende civile de 117, 3 millions d’euros à l’encontre d’Eurelec, une somme correspondant au triple des sommes indûment perçues par cette centrale internationale auprès de ses fournisseurs.

De la même manière, le Gouvernement accorde une attention toute particulière au respect de la véracité de l’origine France affichée. Protéger la crédibilité de l’indication d’origine française est aussi une manière de protéger les revenus de nos agriculteurs, tout en respectant les choix des consommateurs. Chaque année, plus de 600 sanctions sont ainsi imposées par la DGCCRF.

Dans ce contexte, le Gouvernement veille à éviter tout comportement de contournement via l’étranger.

Le développement récent des centrales d’achat européennes pose ainsi problème. L’articulation entre le droit du marché intérieur européen, d’une part, et le droit commercial français, d’autre part, peut interroger.

Toutefois, à ce jour, l’utilisation de centrales situées hors de France n’interdit nullement de faire appliquer la loi française.

Le Gouvernement mobilise ainsi pleinement la DGCCRF et n’hésite pas à sanctionner les pratiques qui seraient en infraction à la loi française. Ainsi, ces deux dernières années, plusieurs chaînes de distributeurs français ont fait l’objet de sanctions, atteignant parfois plusieurs dizaines de millions d’euros, pour non-respect des dispositions de la loi Égalim 2 par leurs centrales d’achat situées hors de France.

En parallèle, et de manière plus structurelle, le Gouvernement proposera à la prochaine Commission européenne un agenda visant à une clarification et une meilleure coordination du droit applicable. L’objectif doit être de mettre un terme à d’éventuelles pratiques de contournement qui ne pourraient aujourd’hui pas être facilement sanctionnées.

Permettez-moi de conclure en soulignant de nouveau l’importance majeure de l’agriculture, dans toute sa diversité, à la fois pour la souveraineté alimentaire de notre pays et pour notre activité économique. Elle est résolument engagée en faveur des transitions écologiques, avec un budget de 4 milliards d’euros sur trois ans qui lui permettra de sortir des injonctions et de lui donner, enfin, les moyens d’agir. Je salue enfin son apport essentiel pour la cohésion de nos territoires.

En cette période où le monde agricole se mobilise fortement, non seulement pour faire entendre ses revendications et ses difficultés, mais aussi pour exprimer sa fierté et son besoin de reconnaissance, cette contribution essentielle mérite d’être rappelée. Je tiens à assurer aux agriculteurs que nous ne lâchons rien dans le combat pour leur garantir une juste rémunération et les moyens d’exercer leur activité dans de bonnes conditions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion