Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où la voix des agriculteurs français et européens résonne avec force partout sur notre continent, en particulier dans notre pays, il est de notre responsabilité d’apporter des réponses concrètes aux problèmes rencontrés par ceux qui nous nourrissent.
Je tiens à saluer la démarche de notre collègue Anne-Catherine Loisier et de notre groupe de l’Union centriste, qui a permis d’inscrire à notre agenda politique le recours aux centrales d’achat par la grande distribution. Cette question fait évidemment pleinement écho à l’actualité immédiate de notre agriculture.
Notre groupe a souhaité se saisir d’un tel sujet, qui est important et particulièrement d’actualité pour l’équilibre des négociations commerciales et la juste rémunération des agriculteurs.
Eureca, Eurelec, Everest… ces centrales d’achat aux noms inconnus du grand public sont pourtant aujourd’hui des acteurs majeurs de l’agroalimentaire.
Les vagues d’alliances de distributeurs observées en 2014, puis en 2018, ont conduit au renforcement du pouvoir de marché des distributeurs. Je pense notamment aux alliances entre Carrefour et Système U et entre Carrefour et Tesco, ainsi qu’à Horizon, qui regroupe Casino, Auchan, Dia, Metro et Schiever.
Le cas d’Eurelec est symptomatique. En effet, avec cette centrale d’achat installée à Bruxelles, il devient possible pour certains distributeurs de s’affranchir de certaines règles françaises, en matière de droit de la concurrence et de délais de paiement notamment, en organisant une véritable extraterritorialité juridique et réglementaire.
De telles alliances soulèvent deux problèmes majeurs.
Le premier est le fait que ces centrales d’achat échappent trop souvent au droit français et à ses exigences.
Les pratiques d’optimisation juridique, voire d’évasion, des acteurs de la grande distribution doivent aujourd’hui cesser ; le droit français doit s’appliquer partout. Il n’est plus possible que des acteurs français travaillent avec des centrales d’achat installées ailleurs en Europe au mépris des règles, votées par la représentation nationale, protégeant les acteurs économiques de la filière agroalimentaire.
Les lois Égalim doivent s’appliquer à l’ensemble des acteurs. Personne ne peut s’affranchir du respect de l’ensemble des normes, à l’instar du principe de non-négociabilité des matières premières agricoles. C’est une question de justice sociale et d’équité économique. Nous devons être fermes avec les acteurs qui ne jouent pas le jeu.
Le second problème est double : il concerne la transparence et l’asymétrie des informations. Les systèmes d’achats en ligne des détaillants obligent les fournisseurs à fournir des informations sur leurs capacités, leurs usines, leurs profits nets et leurs volumes. Ces informations privilégiées sont ensuite communiquées aux différents distributeurs. Les fournisseurs ont alors des marges de manœuvre très réduites dans les négociations.
Nous devons donc, au plus vite, rééquilibrer et réguler ces relations, dont l’asymétrie grandit avec la puissance des centrales d’achat. Cette réflexion doit s’inscrire dans une volonté globale de bâtir un meilleur équilibre des relations commerciales.
La question d’une réforme de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME) doit, à mon avis, se poser également et, avec elle, celle de la lutte contre la surconcentration des acteurs et leurs positions dominantes.
Un débat sur les marques de distributeurs doit aussi se tenir. C’est un défi global que nous devons relever.
Le Gouvernement doit être à l’unisson sur ce dossier. Aujourd’hui, les injonctions contradictoires sont trop nombreuses et le manque de volontarisme en matière de contrôle de l’application de la loi Égalim est criant.
Le ministre de l’agriculture ne peut pas être le seul à gérer ce dossier. L’Europe doit aussi s’imposer et imposer ce débat pour harmoniser les procédures de négociation.
Madame la ministre, le moment est venu de passer des mots aux actes en encadrant, voire en sanctionnant davantage de telles pratiques et en protégeant nos agriculteurs, nos producteurs et notre industrie, afin de sortir de cette guerre des prix destructrice de valeur pour notre économie.