Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au printemps dernier, nos collègues Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et Corinne Féret ont rendu les conclusions de leur rapport sur la prise en charge des troubles du neurodéveloppement.
Les TND forment une catégorie de troubles disparates, caractérisés par une perturbation du développement cognitif ou affectif de l’enfant, et toucheraient, selon la délégation interministérielle aux TND, près de 17 % de la population. Ils regroupent les troubles du spectre autistique, les troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, les troubles spécifiques du langage et de l’apprentissage, aussi appelés « troubles dys », et les troubles du développement intellectuel (TDI).
Les conclusions du rapport de nos collègues sont formelles : malgré les efforts déployés par le Gouvernement, le compte n’y est pas pour la prise en charge des TND. Dans le sillage de ce rapport, Jocelyne Guidez a donc déposé une proposition de loi afin d’améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des TND et de favoriser le répit des proches aidants. C’est ce texte qui est soumis au vote de notre assemblée aujourd’hui.
Danton disait : « Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple. » L’éducation, c’est la clé de voûte de notre civilisation ; c’est le ciment de notre société. C’est la raison pour laquelle nous nous devons de garantir à tous les élèves, y compris à ceux qui présentent un TND complexe, l’accès à un parcours scolaire aussi ordinaire que possible, à proximité de leur domicile.
La France compte aujourd’hui 516 dispositifs spécifiques dédiés à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves présentant un TND et nécessitant un accompagnement médico-social particulier. Il s’agit des UEMA, des UEEA et des DAR.
Si les objectifs de la stratégie pluriannuelle sont atteints, il y aura un peu moins de 900 dispositifs à l’horizon 2027, ce qui me paraît tout à fait insuffisant dans la mesure où 7 000 enfants autistes naissent chaque année en France. Il est nécessaire que la Nation se mobilise davantage, afin de porter le nombre de ces dispositifs à au moins 1 300 d’ici à 2027.
C’est à cette fin que la commission a réécrit l’article 1er pour en assurer l’applicabilité, dans une démarche à la fois ambitieuse et réaliste. Il s’agissait ainsi de prévoir la création d’au moins un dispositif spécifique dédié à l’accueil des élèves présentant un TND nécessitant un accompagnement médico-social particulier par circonscription académique d’ici à la rentrée 2027. La commission vous proposera de renforcer encore davantage le dispositif, en prévoyant l’ouverture d’au moins une UEMA ou UEEA par circonscription et d’au moins un dispositif d’autorégulation par département.
En tout état de cause, madame la ministre, j’attire votre attention sur l’enjeu de continuité des parcours scolaires des élèves bénéficiant de ces dispositifs. Nous ne disposons aujourd’hui que de 128 UEEA pour 319 UEMA. Par conséquent, il arrive bien souvent que, compte tenu de la spécificité de leur trouble, les élèves accueillis en UEMA se trouvent sans solution de scolarisation en sortie de maternelle. De même, il n’existe pas d’équivalent à ces dispositifs dans l’enseignement secondaire. La commission vous invite donc, madame la ministre, à mieux équilibrer les créations de dispositifs et à parachever l’accompagnement proposé, en créant des UESA au collège et au lycée.
Un autre point saillant du rapport de Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et Corinne Féret est la complexité de la procédure qui aboutit à la notification des mesures d’inclusion scolaire nécessaires. Cette procédure est bien souvent un véritable parcours du combattant. Sur ce sujet, la loi ne peut pas tout ; j’appelle donc les MDPH à poursuivre et à intensifier leurs efforts pour simplifier les procédures applicables et harmoniser leurs pratiques, parfois si disparates que des familles se voient contraintes de déménager dans un autre département.
L’article 4 apportera une première pierre à l’édifice, en inscrivant dans la loi la bonne pratique, déjà appliquée par certaines MDPH, de notifier les mesures d’inclusion scolaire pour la durée d’un cycle pédagogique, soit trois ans.
Un allongement de la durée des droits notifiés, pour les familles, ce sont des demandes de renouvellement plus espacées dans le temps et une charge administrative allégée ; pour les professionnels, ce sont moins de bilans à réaliser, ce qui libérera du temps pour le primo-diagnostic et les interventions précoces.
En outre, l’article 4 a été amendé en commission, sur mon initiative, pour prévoir désormais une information des professionnels du diagnostic sur les délais de traitement des MDPH, afin de garantir une meilleure articulation pour une prise en charge plus précoce.
C’est dans la même logique que la commission a adopté l’article 2, tout en en clarifiant la rédaction. Cet article vise à assurer la formation des équipes pédagogiques à l’accueil et à l’accompagnement des élèves présentant un TND.
Là encore, madame la ministre, il me revient d’attirer votre attention sur la qualité parfois perfectible des contenus proposés aux enseignants, mais aussi sur l’incapacité de certains instituts à assurer l’intégralité des vingt-cinq heures de formation obligatoire sur les enjeux de l’école inclusive. Nous comptons sur votre engagement pour y remédier.
La commission a toutefois supprimé l’article 3, qui visait à renforcer la formation des professionnels de santé en contraignant le Gouvernement à inclure les situations de handicap et les TND dans les orientations pluriannuelles prioritaires de développement professionnel continu (DPC). Ces dispositions apparaissent en effet largement satisfaites par le droit en vigueur.
La formation n’en demeure pas moins un enjeu essentiel. Les professionnels de santé sont libres de choisir les actions auxquelles ils souhaitent s’inscrire. Or l’Agence nationale du DPC a souligné en audition la faible participation à certaines formations relatives aux TND. J’appelle donc le Gouvernement à renforcer les actions visant à sensibiliser les professionnels sur l’importance de cet enjeu, conformément aux engagements pris dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale 2023-2027.
J’en viens maintenant aux dispositions du texte visant à systématiser le repérage précoce des TND, un enjeu-clé pour éviter les retards de prise en charge et les risques de surhandicaps associés.
En population générale, malgré un taux de prévalence élevé, autour de 17 %, et un sous-diagnostic avéré, aucun des dix-sept examens obligatoires de l’enfant de moins de six ans n’est aujourd’hui dédié au repérage des TND. Certes, la refonte du carnet de santé devrait permettre une meilleure prise en compte, au sein de chaque examen, du repérage des TND. Pour autant, elle ne créera toujours pas d’examen spécifique et semble donc insuffisante pour répondre de façon adéquate aux enjeux du sous-diagnostic.
À cet effet, l’article 6 de la proposition de loi crée deux examens médicaux obligatoires de repérage des TND, pour tous les enfants. Conformément aux préconisations émanant des auditions, ces examens auront lieu à 18 mois, puis à 6 ans, deux âges charnières pour le repérage et le diagnostic des TND, pour lesquels il n’existe en outre pas d’examen obligatoire aujourd’hui. Condition nécessaire à un déploiement aussi vaste que possible, ces examens seront pris en charge intégralement par la sécurité sociale.
La Haute Autorité de santé (HAS) fait dépendre la stratégie de repérage précoce des facteurs de risque associés à chaque enfant. L’article 5, réécrit par la commission, complète le service de repérage créé par la dernière loi de financement de la sécurité sociale de manière à tenir compte de cette approche graduée, encore insuffisamment appliquée. Ce service s’appuiera désormais non seulement sur les examens obligatoires de l’enfant, mais également sur les examens complémentaires qui peuvent être justifiés par la prématurité ou tout autre facteur de risque identifié.
Enfin, le texte contient un dernier volet, relatif au répit des proches aidants. La commission a décidé de pérenniser les expérimentations mises en place par la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc, qui autorise des dérogations au droit du travail dans le cadre de prestations de relayage à domicile du proche aidant et dans le cadre de séjours de répit aidant-aidé. Ces dispositifs ont été expérimentés pendant une durée suffisante et leur bilan est globalement positif.
Ces solutions de répit de longue durée peuvent soulager temporairement de sa charge le proche aidant et préserver sa santé. Elles apparaissent particulièrement pertinentes dans les cas où la personne aidée nécessite une assistance permanente.
Afin de tenir compte des retours d’expérience des intervenants et des structures, la commission a adopté un amendement aux termes duquel un accord de branche pourra ajuster certains paramètres de ce dispositif dérogatoire, afin de permettre aux partenaires sociaux de l’adapter aux réalités du terrain.
Mes chers collègues, le texte que nous examinons ce matin, amendé par la commission en accord avec son auteure Jocelyne Guidez – je salue sa détermination et son engagement de longue date sur le sujet –, permettra, me semble-t-il, de simplifier les parcours des personnes présentant des TND, comme ceux de leurs proches. C’est pourquoi je vous invite à l’adopter.