Madame la ministre, vous les avez cités : Hurley, Everest, Eureca, AgeCore… Ces noms sont inconnus du grand public ; pourtant, ces centrales d’achat font la pluie et le beau temps dans le secteur agroalimentaire. Elles fixent en effet les prix d’achat de tous les produits vendus dans nos supermarchés. Leur objectif est simple : acheter le moins cher possible, pour maximiser ensuite leurs marges lors de la revente au consommateur.
Avec des chiffres d’affaires de centaines de milliards d’euros, ces centrales d’achat ont un pouvoir absolu. Refuser leurs prix, c’est ne plus toucher des millions de consommateurs. Les industriels jouent donc le jeu, tout en pratiquant les mêmes méthodes auprès des agriculteurs. En tirant toujours plus leurs prix d’achat vers le bas, leurs marges brutes ont atteint 48 % l’an dernier ! Le groupe Avril, présidé par M. Rousseau de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), a ainsi vu son résultat net augmenter de 45 % en 2022 !
C’est ce système, qui tue l’agriculture en la forçant à vendre à perte, que dénoncent les agriculteurs dans toute la France. Ils ont raison : ce racket ne peut plus durer !
Les lois Égalim devaient corriger ce système et rendre les rémunérations un peu plus justes. Elles ont échoué, parce qu’elles ont renoncé aux prix planchers et aux quotas de production, mais aussi parce qu’elles ont été contournées. Leclerc, Carrefour, Intermarché et Système U ont ainsi délocalisé leurs centrales d’achat respectivement en Belgique, en Espagne, en Suisse et aux Pays-Bas. Cela leur a permis de passer outre les règles françaises, notamment celles qui concernent les dates des négociations annuelles.
La centrale d’achat AgeCore, qui travaille pour Intermarché, a été condamnée à 151 millions d’euros d’amende pour ces pratiques, mais la Cour de justice de l’Union européenne l’en a exemptée en raison de son implantation étrangère. Heureusement, la loi Descrozaille devrait y remédier.
C’est une bonne nouvelle, mais, face à la puissance de ces groupes, la bonne volonté ne suffit pas. Il faut des mesures fortes pour rééquilibrer ces négociations commerciales.
Madame la ministre, j’ai trois questions à vous poser.
Allez-vous obliger la grande distribution et l’industrie agroalimentaire à publier leurs marges ?
Allez-vous appliquer des sanctions en cas d’achat de produits agricoles en dessous de leur prix de revient ?
Allez-vous défendre, à l’échelle européenne, des accords tripartites de répartition de la valeur entre agriculteurs, industriels et distributeurs ?