Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous apprêtons à voter solennellement la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste.
Le choix d'un tel vote, loin d'être neutre, illustre le rôle moteur joué par le Sénat depuis 2014 dans la consolidation de notre législation antiterroriste. Il permet surtout de mettre en exergue l'importance des nouveaux défis auxquels nous sommes actuellement confrontés en matière de lutte contre le terrorisme.
L'année dernière, notre pays a été frappé par des attentats barbares, tragiques illustrations de la prégnance de la violence de la radicalisation islamiste dans notre territoire et de notre vulnérabilité face à ses évolutions.
Depuis l'été 2018, 486 détenus islamistes ont été libérés ; une part significative d'entre eux restent ancrés dans une idéologie radicale, d'après la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et les milieux judiciaires. Parmi les 391 détenus aujourd'hui incarcérés pour des infractions terroristes, un noyau dur d'une cinquantaine d'individus présente un profil particulièrement inquiétant. Or un certain nombre d'entre eux sortiront bientôt de prison, alors même que leur état psychiatrique est particulièrement inquiétant et mal pris en charge.
L'évolution de la menace endogène inquiète les services secrets pour qui ces individus « restent à la merci d'un passage à l'acte soudain […], sans qu'il y ait forcément de signes avant-coureurs ». De même, le procureur national antiterroriste confirme le rôle essentiel joué par les réseaux sociaux pour alimenter les phénomènes d'autoradicalisation qu'il juge « plus difficiles à suivre et à judiciariser » en l'état du droit, et appelle à de nouvelles mesures.
Par ailleurs, la radicalisation croissante de mineurs, en nette augmentation, s'opère désormais directement sur le territoire national.
Cette menace n'est plus aujourd'hui le seul fait de groupes radicalisés, soutenus matériellement et logistiquement par des organisations internationales, y compris depuis des zones de combat.
Elle se caractérise par le passage à l'acte d'individus isolés, les loups solitaires, qui mettent le peu de moyens à leur disposition au service d'un projet mortifère, fruit d'une radicalisation solitaire, menée principalement en ligne, notamment sur les réseaux sociaux.
Quelles qu'en soient l'ampleur et la motivation, une attaque terroriste, à plus forte raison lorsqu'elle est commise en plein centre de notre capitale ou à l'encontre d'un enseignant, symbole vivant des valeurs de la République, nous touche en plein cœur et appelle la réponse la plus ferme qui soit.
Nous ne devons pas trembler pour répondre avec intransigeance et efficacité à ces actes, car ils sapent les fondements de notre pacte républicain
Nous le devons aux victimes. Nous le devons aux Français.
Alors que le monde entier aura les yeux rivés sur notre pays pendant les jeux Olympiques et Paralympiques, il est de notre responsabilité de donner aux services tous les moyens nécessaires pour garantir la sécurité d'un tel événement et de combattre efficacement l'hydre terroriste.
Dans ce contexte, la proposition de loi que nous sommes sur le point de voter est la bienvenue.
Elle comble tout d'abord les manques du cadre juridique en vigueur. Je pense en particulier au régime des mesures judiciaires de sûreté applicables aux terroristes sortant de détention, qui laisse encore trop souvent les services impuissants pour prévenir les sorties sèches d'individus dangereux.
Nous souhaitons ensuite mettre à la disposition de l'administration de nouveaux instruments juridiques, en réintroduisant une mesure hybride déjà votée par deux fois au Sénat, visant à combiner un suivi et une surveillance judiciaire, en étendant la rétention de sûreté aux criminels terroristes présentant des troubles psychiatriques graves, ou encore en instaurant un nouveau régime de rétention de sûreté réservé aux condamnés terroristes encore engagés dans une idéologie radicale.
De même, les auteurs de la proposition de loi ont pris la mesure des enjeux soulevés par la prise en charge des mineurs radicalisés. Nous avons tenu une position d'équilibre entre l'indispensable accompagnement des enfants concernés et l'absolue fermeté qu'attendent de nous les Français.
Ainsi, nous avons permis d'étendre les possibilités de placement sous contrôle judiciaire, en centre éducatif fermé, ou d'assignation sous bracelet électronique. Nous avons également maintenu la possibilité de poursuite de prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
Au travers de cette proposition de loi, nous tirons enfin les conséquences de l'évolution de la menace, notamment en réintroduisant, sous une nouvelle forme – et après avoir pris en compte les réserves du Conseil constitutionnel –, le délit de recel d'apologie du terrorisme, qui a été nourri par les observations et propositions très constructives des acteurs judiciaires et administratifs de la lutte antiterroriste.
Dans ce texte, nous avons recherché le juste équilibre entre l'efficacité de la lutte antiterroriste et la sauvegarde des droits et libertés constitutionnels. Compte tenu de l'urgence d'agir et dans un souci de cohérence globale du dispositif, j'ai souhaité, en tant que rapporteur, faire adopter plusieurs articles additionnels. Je le dis à nos collègues qui siègent à la gauche de cet hémicycle : ils ont tous un lien avec le texte !