Intervention de Elsa Schalck

Réunion du 30 janvier 2024 à 15h00
Société du bien-vieillir en france — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Elsa SchalckElsa Schalck :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois bénéficie d'une délégation au fond sur six articles du titre II bis, intitulé « Renforcer l'autonomie des adultes vulnérables en favorisant l'application du principe de subsidiarité », qui porte diverses dispositions en matière de protection juridique des majeurs.

Sans les citer toutes, je mentionnerai la création d'une fonction de tuteur ou de curateur de remplacement en cas de décès du tuteur ou du curateur en exercice, l'ajout d'une finalité d'assistance dans le cadre du mandat de protection future, ou encore la possibilité de confier une habilitation familiale aux « parents et alliés ».

La commission des lois a adopté une position de principe sur ces articles, qui repose sur une critique de la méthode employée. Elle a jugé que faire apparaître des dispositions sur la protection juridique des majeurs par voie d'amendements, sans étude d'impact ni concertation avec les professionnels concernés, au fil de la discussion législative, n'était absolument pas à la hauteur des enjeux.

Tous les rapports récents écrits sur le sujet, sous l'égide de la Chancellerie et des ministères sociaux, invitent au contraire à réfléchir de manière globale et transversale sur ces dispositifs, qui touchent près de 1 million de personnes en France.

Ainsi que l'a déjà relevé Mme Anne Caron-Déglise en 2018, cette question affecte la vie d'un nombre de plus en plus important de personnes en situation de particulière vulnérabilité, de proches, mais également de multiples intervenants. L'évolution sociodémographique que nous connaissons amplifie encore ce phénomène.

Les professionnels auditionnés ont critiqué quasi unanimement les retouches ponctuelles apportées, qu'ils ont qualifiées d' « émiettement législatif », de « logique de silos » ou encore de « fausses bonnes idées ».

Un grand nombre de ces articles nous ont par ailleurs semblé peu satisfaisants sur le fond. Les amendements déposés en séance publique l'illustrent bien – nous le verrons au cours de l'examen des articles –, eux qui visent à compléter les dispositifs sur certains aspects qui n'ont pas été pris en compte à l'origine, sans toutefois que nous ayons de garantie qu'ils soient exhaustifs.

Au-delà de la question de la cohérence d'ensemble des dispositions, il faut également penser aux familles et aux professionnels qui auront à appliquer ces textes, en particulier les mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Il est important d'éviter les retouches législatives successives, qui sont difficiles à suivre. À légiférer dans ces conditions, c'est pourtant bien le risque que l'on prend…

Forte de ce constat, la commission des lois a fait le choix de supprimer l'ensemble des articles additionnels 5 quater à 5 sexies, 5 octies et 5 nonies, qui lui ont été délégués. Qu'il y ait une nécessité à faire évoluer les mesures de protection juridique des majeurs, la commission des lois en convient parfaitement, mais pas dans ces conditions. Il faut le faire dans le cadre d'un projet de loi embrassant l'ensemble des sujets et suffisamment éclairé par une étude d'impact, mais également par un avis du Conseil d'État, ainsi que, bien évidemment, par la consultation de tous les acteurs concernés.

La commission des lois a fait échapper à la suppression un seul article : l'article 5 decies, qui crée d'ici à la fin de l'année 2026 un registre général de toutes les mesures de protection juridique, regroupant les mesures judiciaires – sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale – et les mandats de protection future.

Nous avons souhaité préserver ce dispositif et mettre le Gouvernement face à ses responsabilités.

En effet, ce registre est attendu par tous les professionnels, en particulier par les juges des tutelles, qui, à l'heure actuelle, ne sont pas informés des mesures de protection judiciaire prononcées en dehors de leur ressort.

Il est également nécessaire pour assurer le respect du principe de subsidiarité et appliquer les dispositions protectrices du code de procédure pénale. Il est indispensable en vue du futur règlement européen.

Nous en avons rapproché la date d'entrée en vigueur d'un an – en 2025 –, considérant qu'il était déjà dans les cartons depuis de trop nombreuses années.

Parallèlement, nous avons maintenu le registre spécial des mandats de protection future. Prévu depuis 2015, ce registre n'a toujours pas été créé – nous sommes en 2024 ! –, faute de décret d'application.

Le Conseil d'État, dans sa décision du 27 septembre 2023, vient d'enjoindre au Gouvernement de prendre ce décret dans un délai de six mois, sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard.

Il nous a semblé important de conserver le bénéfice de cette injonction, car c'est justement le manque de publicité qui freine considérablement le recours au mandat de protection future, outil d'anticipation qui mériterait d'être largement développé dans notre société.

Telle est, mes chers collègues, la position de la commission des lois.

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