Monsieur le Conseiller, Mesdames, Messieurs, chers collègues, l'agression russe de l'Ukraine en février 2022 a bouleversé le cours de l'histoire. L'histoire de l'Ukraine, bien sûr, mais aussi l'histoire de la construction européenne. Immédiatement solidaire de l'Ukraine, l'Union européenne s'est sentie directement attaquée : l'appartenance de l'Ukraine à la famille européenne a semblé s'imposer, si bien que le Conseil européen a répondu positivement à la demande d'intégration de l'Ukraine dans l'Union en lui reconnaissant officiellement le statut de candidat en juin dernier, ainsi qu'à la Moldavie. J'en profite pour saluer la présence de Nadia Sollogoub, présidente du groupe d'amitié France-Ukraine.
Notre commission a donc engagé un travail de réflexion sur ce nouvel élargissement à l'Est qu'envisage l'Union européenne. Notre table ronde de ce matin vise à informer les sénateurs sur la phase décisive où nous sommes, après la récente publication - le 8 novembre - du paquet « élargissement » de la Commission européenne qui recommande d'aller de l'avant et, à deux semaines du prochain Conseil européen, qui devra décider ou non de suivre ces recommandations de la Commission.
Je rappelle que nous avons auditionné, à cette même date du 8 novembre, la secrétaire d'État Laurence Boone et dès le lendemain, le Commissaire européen en charge de l'élargissement, Olivér Vàrhelyi, et enfin, la semaine dernière, les rapporteurs du groupe d'experts franco-allemands dit « groupe des 12 » sur les réformes qui pourraient permettre à l'Union européenne d'absorber de nouveaux membres dans les meilleures conditions possibles.
Monsieur Oleksandr Shuiskyi, nous vous remercions de représenter ici, en tant que conseiller, l'ambassadeur d'Ukraine à Paris, M. Vadym Omelchenko, que nous connaissons bien et qui est malheureusement retenu par des engagements impératifs pris antérieurement.
Avant de vous donner la parole pour un exposé liminaire de quelques minutes, permettez-moi de présenter brièvement les autres participants de cette table ronde, que je remercie pour leur présence, et d'indiquer le déroulé de nos échanges, qui concerneront l'Ukraine en premier lieu, puis la Moldavie, pays officiellement candidats, et enfin la Géorgie, pays pour lequel la Commission propose de reconnaître ce statut en décembre.
M. Jean-Dominique Giuliani, familier du Sénat, préside la Fondation Robert-Schuman, centre européen de référence pour la construction européenne, qui fait vivre l'esprit de son père fondateur, tout en restant constamment attentive aux évolutions du monde, de l'Union européenne et de chacun des pays qui la composent ou l'entourent. Il publie chaque année, un précieux Atlas permanent de l'Union européenne et il a pris récemment position sur l'élargissement dans une tribune remarquée, dont je partage l'essentiel des constats courageux.
M. Thierry Chopin, conseiller spécial, est l'une des « têtes pensantes », de l'Institut Jacques Delors, autre think-tank essentiel pour la réflexion sur l'Union européenne et son évolution. Spécialiste de la prospective politique, il est l'auteur notamment d'un ouvrage marquant, publié en 2015, qui n'a hélas pas perdu de son actualité, intitulé La Fracture politique de l'Europe, et sous-titré « Crise de légitimité et déficit politique ».
M. Luká Macek est un chercheur et enseignant spécialiste des pays d'Europe centrale et orientale et dirige le campus de Sciences Po Paris à Dijon. Il est l'auteur, notamment, d'un ouvrage de référence, publié il y a une douzaine d'années, intitulé, L'élargissement met-il en péril le projet européen ?, qui fait admirablement le point sur les leçons à tirer du grand élargissement de 2004, et qui mériterait sans doute un retirage et une mise à jour, avec ou sans le même titre, prémonitoire ou non. Il nous le dira peut-être...
M. Florent Marciacq est un spécialiste reconnu de l'Europe orientale et de l'élargissement, auteur de nombreux articles sur ces sujets, en particulier dans le rapport annuel Ramses et dans la revue Politique étrangère, chercheur à l'Institut français des relations internationales, et au centre franco-autrichien pour le rapprochement en Europe. Il nous apportera sans doute le regard croisé de notre partenaire autrichien et, plus généralement, des pays d'Europe centrale sur ces questions.
Mme la docteure Eleonora Poli nous vient de Rome, où elle est chercheure à l'Institut des affaires internationales et au centre d'études de politique européenne et a publié plusieurs articles récents sur l'élargissement.
Enfin, je dois excuser Mme Michaela Wiegel, correspondante de la Frankfurter Allgemeine Zeitung à Paris, qui devait nous apporter son regard d'outre-Rhin, mais se trouve hélas souffrante : nous lui souhaitons un prompt rétablissement. J'ai pu accompagner la semaine dernière le Président Gérard Larcher en Allemagne et percevoir que nos amis allemands partagent avec nous la conviction que l'élargissement et la réforme de l'Union européenne doivent aller de pair.