Intervention de Corina Cãlugãru

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 novembre 2023 à 8h35
Voisinage et élargissement — Élargissement de l'union européenne - audition

Corina Cãlugãru :

La Moldavie est un pays francophone, le seul qui, sous l'Union soviétique, ayant une langue d'origine latine, utilisa l'alphabet cyrillique. Quand nous avons obtenu l'indépendance, nous sommes revenus à l'alphabet latin.

Cette année, la majorité politique a pris la responsabilité de réviser et d'adopter toutes les modifications législatives en vue d'intégrer la langue roumaine partout dans la Constitution et la législation, la langue russe demeurant une langue de communication interethnique du fait de l'existence de plusieurs minorités en Moldavie.

Il est très important de rappeler que la Moldavie a réussi à construire un modèle très pacifique de vivre ensemble s'adressant à plusieurs minorités et plusieurs ethnies. C'est aussi grâce à ce modèle que les réfugiés ukrainiens, qui sont 80 000, soit 3 % de notre population, vivent et sont acceptés dans un esprit très responsable.

Nous avons prêté la plus grande attention au rapport des Sages demandé par les ministres allemand et français sur l'élargissement. Il est encourageant pour la Moldavie que Berlin et Paris entament les discussions sur l'élargissement. Pour nous, il est clair que la Moldavie ne peut exister seule. Elle a besoin d'un partenariat avec l'Union européenne. L'objectif de transformer le pays et d'être membre de l'Union européenne a été arrêté il y a plusieurs années. Aucun parti politique ne peut l'abandonner. L'adhésion a en fait commencé par l'accord d'association. Le régime des visas est libéralisé depuis 2014 et s'est accompagné de l'accord de libre-échange. Aujourd'hui, les exportations ne se font plus seulement vers l'Est, mais aussi vers l'Ouest.

L'accord de libre-échange comporte aussi des conditionnalités pour les agents économiques de Transnistrie. Aujourd'hui, 80 % des exportations de la région vont vers les pays de l'Union européenne. Dans notre cas, l'adhésion à l'Union européenne se fait déjà progressivement. On espère maintenant que plusieurs chapitres vont s'ouvrir avec l'accélération du processus d'adhésion.

L'opinion publique est diversifiée et il est important d'introduire de nouveaux arguments positifs en faveur de la Moldavie. La Moldavie ne demande pas à être simplement membre mais à être acceptée et elle souhaite devenir un membre sur lequel on puisse compter.

Déjà, la Moldavie contribue à l'Union européenne en assurant la sécurité régionale à la frontière avec l'Ukraine et la Roumanie. Il est compliqué pour un pays qui n'a pas investi dans son armée pendant 30 ans d'avoir d'un côté une frontière avec l'Ukraine, de l'autre le conflit transnistrien avec une présence militaire russe, tout en assurant la protection de la frontière avec la Roumanie, membre de l'Union européenne et de l'OTAN. En ce sens, la mission Frontex nous aide pour assurer la sécurité.

Nous avons eu depuis deux ans des exercices communs avec des pays membres de l'Union européenne, par exemple, à l'occasion de l'organisation du sommet de la communauté politique européenne (CPE).

Dans cet esprit, il est clair que l'intégration européenne et l'élargissement se jouent aussi dans les pays membres de l'Union européenne. C'est notre responsabilité commune d'être ouverts, d'avoir des débats publics et d'expliquer qu'on n'est pas là pour affaiblir l'Union européenne mais, au contraire, pour faire en sorte qu'elle soit plus forte.

Nous comptons un million de Moldaves à l'étranger. La plupart vivent dans les pays membres de l'Union européenne, dont la France. Ils contribuent donc déjà aux valeurs européennes.

En Moldavie, l'opinion publique est assez mobilisée. Le 17 mai, nous avons organisé un grand rassemblement pour soutenir l'objectif de l'intégration. Cette manifestation a été suivie également dans plusieurs capitales membres de l'Union européenne et par la diaspora à Paris. Il est clair pour tous que le pays ne peut se transformer qu'en étant membre d'une organisation forte et solide.

S'agissant de l'OTAN, l'opinion publique moldave est très attachée au fait que nous soyons un pays neutre, position confirmée par la Constitution. La guerre en Ukraine et les dernières évolutions ont fait fléchir l'opinion publique, mais on ne peut encore dire si l'on va demeurer sous ce statut ou en choisir un autre.

La réforme des structures de sécurité apparaît comme une nécessité. On a commencé à discuter de la réforme de l'armée l'an dernier. Depuis, beaucoup de choses se sont passées. C'est dans cet esprit que s'inscrit la coopération dans le domaine militaire entre la Moldavie et la France.

Nous n'avions eu aucun contact dans ce domaine pendant 30 ans. En novembre de l'année passée, notre ministre de la défense est venu à Paris. Le 25 septembre, Sébastien Lecornu s'est déplacé à Chi?inãu, et un accord de coopération va être signé dans le domaine militaire. Cela démontre que la Moldavie change d'optique, mais cela prendra du temps.

Le sujet de la migration est très difficile. Des millions de Moldaves vivent à l'étranger. Va-t-on réussir à les convaincre de revenir en Moldavie ou doit-on se concentrer sur ceux qui y vivent afin qu'ils y restent ? Tous les investissements et la transformation économique de la Moldavie vont permettre aux Moldaves de demeurer en Moldavie pour contribuer au développement du pays de l'intérieur. Il existe des signes de retour. De nouveaux programmes encouragent la diaspora à investir en Moldavie. La transformation économique du pays va aussi rassurer les Moldaves afin qu'ils restent dans le pays.

Quant au conflit avec la Transnistrie, il est important pour la Moldavie d'obtenir un règlement pacifique et la réintégration de la Transnistrie. C'est aujourd'hui un obstacle, mais le dialogue entre Chi?inãu et Tiraspol existe. L'accord de libre-échange a déjà rapproché les deux parties.

Plusieurs projets de l'Union européenne sont mis en oeuvre dans la région. L'idée était que l'adhésion à l'Union européenne rendrait les choses plus solides. Il n'y a pas de conflit entre les populations. On espère que la fin de la guerre en Ukraine entraînera une solution positive pour la Transnistrie et la Moldavie tout entière.

S'agissant du partenariat oriental, on a jusqu'à maintenant bénéficié de plusieurs projets. Je crois que les objectifs ont été atteints. La Moldavie et l'Ukraine ont obtenu le statut de candidat à l'Union européenne, mais plusieurs transformations ont eu lieu grâce au projet de partenariat oriental. Si on lance les négociations d'adhésion, il est clair que ce format devrait évoluer. Pour l'instant, les projets seront mis en oeuvre jusqu'en 2027.

Quant au trio Ukraine-Géorgie-Moldavie, il demeure. Nous sommes très solidaires de l'Ukraine et de tout ce qui touche à la sécurité.

La CPE n'est pas pour nous une salle d'attente. La plateforme nous permet un dialogue concret et immédiat. Les résultats prendront du temps, mais l'avancée sur l'itinérance est un progrès. Nous avons reçu un grand soutien de la France. Il s'agit pour nous d'une plateforme très concrète qui va nous servir d'appui pour la prise de décisions.

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