Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs, c'est un honneur de me présenter devant vous pour résumer le parcours européen de mon pays et vous exposer ses aspirations à devenir, à terme, membre de la famille européenne.
Nous vivons dans une époque extrêmement mouvementée. Le monde entier et l'architecture de la sécurité internationale sont en train d'être remodelés, et la table ronde d'aujourd'hui, qui fait suite aux discussions informelles sur l'avenir de l'Europe, lancées à Grenade en octobre, arrive à point nommé.
Je dirais même que ces discussions sont indispensables. Dans cette optique, c'est un honneur pour moi de contribuer à ce processus au nom de la Géorgie, qui aspire à devenir européenne.
L'Union européenne se trouve à un tournant critique amenant à une refonte de son rôle en tant qu'acteur mondial, en réponse au changement drastique du contexte géopolitique de la région, dû à la guerre de la Russie contre l'Ukraine. Les Géorgiens sont d'autant mieux placés pour comprendre l'atrocité de cette guerre et dénoncer son injustice que nous avons malheureusement connu cette situation en août 2008.
Nous sommes également très soucieux que l'Ukraine gagne cette guerre, parce que nous connaissons le résultat des conflits gelés, qui renforcent surtout la Russie dans ses positions. La mobilisation de la solidarité internationale est donc importante pour ne pas laisser l'Ukraine seule.
Les changements géopolitiques accélérés ont démontré la nécessité absolue de consolider l'ensemble pour réaliser une Union européenne plus forte. Le futur élargissement, qui connaît actuellement un élan remarquable, est une réponse stratégique puissante à cet égard.
L'un des plus grands pouvoirs de transformation de l'Union européenne a toujours été l'outil de l'élargissement, qui comporte un fort potentiel de promotion et d'expansion des valeurs et des normes démocratiques.
Il ne fait aucun doute que cela apportera une plus grande résilience à nos pays, individuellement et collectivement, en renforçant ainsi l'Union européenne en tant qu'acteur mondial.
La Géorgie a toujours été et restera un des alliés sécuritaires les plus fiables de l'Union européenne, rempart de paix et de stabilité régionale, de développement démocratique et de coopération, servant de lien crucial dans la politique d'ouverture au monde de l'Union européenne et concourant à l'approvisionnement en énergies alternatives et en couloirs de transport.
Comme l'a témoigné le chemin emprunté jusqu'ici, chaque vague d'élargissement est précédée d'ajustements institutionnels pertinents qui ont renforcé l'Union européenne.
La Géorgie, en tant que membre de l'actuel groupe d'élargissement, est très intéressée par la réalisation d'un juste équilibre entre une Union élargie et une Union qui fonctionne efficacement.
Comme vous le savez, la Géorgie a investi des efforts considérables dans la réforme des principaux cadres politiques et juridiques et dans la mise en place de nouvelles institutions, conformément aux engagements pris dans le cadre des accords d'association et de libre-échange et des douze recommandations de la Commission européenne - que nous appelons parfois affectueusement « les douze commandements de l'Union européenne », auxquels nous essayons de répondre.
Alors que le rapprochement juridique et sectoriel de la Géorgie avec l'Union européenne se poursuit à grande vitesse, et en gardant à l'esprit que le concept d'une intégration progressive semble être la voie la plus sûre par rapport à l'élargissement, nous aimerions appeler à l'élaboration de programmes concrets d'intégration progressive dans l'Union européenne, qui garantiront une synchronisation du processus menant à une adhésion complète.
Nous ne voulons pas seulement réaliser des réformes démocratiques pour cocher les cases des recommandations et des conseils que nous recevons de nos partenaires européens. Nous souhaitons également nous doter d'un pays foncièrement démocratique et fidèle aux valeurs européennes, l'objectif étant naturellement d'adhérer à terme à l'Union européenne. Pour nous, comme vous l'aurez compris, c'est une question sécuritaire, mais également salutaire dans le contexte géopolitique dans lequel nous nous trouvons.
Il nous faut pouvoir disposer non seulement de cette stabilité politique en demeurant vigilant pour garder ce cap d'intégration de la politique européenne, mais également réaliser des réformes économiques nous permettant de bénéficier d'une économie stable afin de répondre aux exigences et aux critères de convergence nécessaires pour être membre de l'Union européenne.
Les Géorgiens sont réalistes. Nous savons que ce n'est pas demain la veille, même avec le statut de candidat, que nous adhérerons à part entière à l'Union européenne, mais maintenir la population sur cette voie est une très bonne chose. C'est aussi un signal envoyé à la Russie.
Accorder le statut de candidat et travailler sur l'élargissement à la troïka et aux pays des Balkans signifie que l'Europe s'intéresse à ces régions. La mer Noire est une zone géopolitique très importante pour l'Union européenne, certains grands pays prétendant jusqu'à présent être les seuls maîtres de son bassin.
Reporter aujourd'hui les échéances de quelques années pourrait constituer par ailleurs un signal très négatif. Ce serait abandonner la Géorgie à la Russie et laisser cette dernière en faire ce qu'elle veut.