Intervention de Gocha Javakhishvili

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 novembre 2023 à 8h35
Voisinage et élargissement — Élargissement de l'union européenne - audition

Gocha Javakhishvili :

La Turquie est un grand voisin de la Géorgie. Historiquement, nous n'avons pas toujours eu d'excellentes relations de voisinage. L'empire ottoman nous a visités et est demeuré chez nous pendant trois siècles. La culture géorgienne en est sortie enrichie. Même les invasions peuvent laisser des traces positives.

Aujourd'hui, la Turquie est un partenaire commercial et stratégique pour la Géorgie. La Turquie étant un pays membre de l'OTAN, elle nous aide aussi pour l'entraînement de nos militaires, et c'est un allié fidèle pour soutenir l'avancement de l'intégration de la Géorgie à l'OTAN.

Naturellement, la Géorgie a intérêt à voir l'État de droit s'instaurer en Turquie et à ce que la Turquie reste un pays démocratique, car la Géorgie risque d'avoir d'autres soucis de sécurité si la région n'est pas stable.

Concernant le respect des médias et l'État de droit, la Géorgie n'a pas dévié de sa voie. L'égalité de tous devant le droit est un principe fondamental.

Notre ancien président purge aujourd'hui sa peine. J'ai été son conseiller et numéro deux de l'ambassade sous son mandat. J'ai été fier de représenter la Géorgie à l'époque des grandes réformes démocratiques et de l'européanisation, mais des procès sont ensuite intervenus, une partie de la population s'étant sentie lésée.

Même si je juge positivement certaines des actions de notre ancien président à l'époque où il dirigeait le pays, je ne peux me substituer à la justice. Il existe aujourd'hui une demande d'État de droit et d'égalité de tous devant le droit. Notre ancien président s'est exilé en Ukraine. Il était recherché par la justice en Géorgie. Il a décidé de revenir en Géorgie avec un projet politique qui n'a pas fonctionné. La révolution n'a pas eu lieu. Il escomptait que toute la Géorgie sortirait dans la rue. Malheureusement, c'est ainsi : il est aujourd'hui prisonnier.

Il n'est pas interné pour raisons de santé, car il a entamé une grève de la faim qui l'a conduit dans un hôpital privé, où des soins médicaux lui sont dispensés et où il a reçu plus de 2 000 visites. Il a récemment déclaré qu'il allait prendre la tête de son parti et s'engager plus activement pour préparer les élections de 2024.

La déoligarchisation est une des recommandations de la commission de Venise. La Géorgie a pris comme modèle la loi ukrainienne relative aux oligarques. Si l'on en croit ce modèle, il existerait plusieurs sortes d'oligarques, y compris parmi ceux qui dirigent l'opposition en ce moment.

On parle souvent de la personne qui, en Géorgie, est fondatrice du parti au pouvoir, mais il s'est totalement retiré de la politique. Je ne sais si certaines décisions politiques ont été prises sous son influence. En tant que fondateur du parti, il a peut-être un certain poids sur les hommes et les femmes politiques, mais il n'intervient plus publiquement depuis plusieurs années.

Est oligarque celui qui détient plus d'un million d'euros et a une influence sur les médias. Je crains que certains puissent correspondre à ce statut dans beaucoup de pays européens.

S'agissant des territoires actuellement occupés par les forces russes, nous adoptons la politique de réintégration par la confiance. Nous proposons à ces régions de profiter de tous les bienfaits que l'Europe propose. La Géorgie européenne sera une réponse aux populations pour qu'elles fassent leur choix : rester dans un pays gouverné par la Russie corrompue et imprévisible ou bénéficier d'une plus grande autonomie à l'intérieur de l'État géorgien.

La Géorgie a fait le choix de ne pas recourir à la force. La Russie a laissé circuler des rumeurs selon lesquelles notre pays aimerait récupérer ces territoires par la force en profitant de la situation en Ukraine et en ouvrant un deuxième front. Le gouvernement a envoyé des signaux pacifiques pour dire qu'il n'y aurait pas de tentatives de ce type.

Quant au sujet des relations entre notre présidente et le gouvernement, il est plutôt d'ordre interne. La présidente, qui est française et européenne, sait comment parler aux Européens. Elle porte le message de la Géorgie européenne à l'étranger. Je pense que ces malentendus sont plutôt mus par la jalousie. Le gouvernement aimerait tenir lui-même le flambeau et estime que la présidente lui vole la vedette. Aujourd'hui, la présidente n'a malheureusement plus les mêmes attributions qu'auparavant. C'est le gouvernement qui mène la politique étrangère, et comme il y a peu de concertation entre la présidente et le gouvernement, celui-ci a estimé qu'il devait être mis au courant lorsqu'elle part effectuer des visites à l'étranger.

Le processus de destitution n'était pas censé aboutir. Cela aurait donné une très mauvaise image du pays. Le gouvernement a pensé que l'organe constitutionnel le plus compétent pourrait fixer une ligne rouge. Je serais un ambassadeur très heureux sans ce souci.

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