Intervention de Didier Marie

Commission des affaires européennes — Réunion du 13 décembre 2023 à 13h30
Institutions européennes — Lxxème cosac plénière des 26 au 28 novembre 2023 à madrid - communication

Photo de Didier MarieDidier Marie :

Pour conclure, il nous a semblé important de vous donner également quelques informations sur la situation politique interne de l'Espagne où nous étions accueillis. Le Parlement espagnol qui organisait la réunion venait tout juste, après les récentes élections générales qui se sont déroulées fin juillet, de reprendre son travail - ce qui a d'ailleurs empêché d'y tenir la réunion de la COSAC- et ses structures internes n'avaient pas encore été reconstituées : nos interlocuteurs habituels de la commission des affaires européennes étaient donc encore en place pour gérer les affaires courantes mais étaient réticents à se projeter à plus long terme.

Une rencontre a été organisée avec le ministre-conseiller de notre ambassade à Madrid, M. Aymeric Chuzeville. Cet échange très instructif nous a permis de mesurer la fragilité de la situation du Premier ministre Pedro Sanchez. Je rappelle qu'à la suite des élections anticipées de juillet dernier et des tentatives d'investiture d'Alberto Núñez Feijóo, le président du Parti populaire, c'est finalement Pedro Sanchez qui a été reconduit à la tête du pays, courant novembre, grâce à une majorité constituée de huit partis, notamment unie autour du projet de loi d'amnistie, condition sine qua non posée par les indépendantistes catalans.

Pedro Sanchez se trouve dans une situation d'équilibrisme où il a négocié non pas un grand accord de coalition, mais un accord bilatéral avec différents partis pour construire une majorité qu'il pourrait avoir à reconstituer à chaque vote important au Parlement car il ne s'agit pas d'alliances solidement installées dans le paysage politique. Le premier défi de son gouvernement sera la présentation du projet de loi d'amnistie qui provoque la colère de nombreux citoyens et dont l'examen au Parlement a commencé hier avec l'approbation de 178 députés sur 350, ce qui ouvre la voie à l'adoption de ce texte d'ici quelques mois.

L'investiture de Pedro Sanchez confirme en tout cas sa capacité à unir autour d'un projet. Il y voit la reconnaissance des bons résultats économiques et de la politique volontariste menée par la coalition PSOE/Podemos depuis 2020 dont on peut citer quelques jalons avec la création d'un équivalent du RSA, l'augmentation du salaire minimum, les lois sur l'euthanasie et l'avortement, l'objectif de neutralité carbone en 2050, une taxe sur le numérique, la réforme du marché du travail, l'encadrement des loyers, la limitation de l'inflation grâce à l'exception ibérique négociée avec Bruxelles en matière de marché de l'électricité et une croissance très affectée par le Covid mais revigorée pour atteindre 2,5 % en 2023, soit le triple de la moyenne de la zone euro. L'Espagne est, devant l'Italie, le premier bénéficiaire du volet subventions du plan de relance européen : trois décaissements d'un total de 37 milliards d'euros lui ont été versés sur les 77 prévus et Madrid a demandé début juin 2023 à bénéficier également des 70 milliards d'euros de prêts disponibles.

L'Espagne est un allié très proche de la France sur la scène européenne avec des priorités convergentes sur l'Europe de la défense, les questions environnementales, l'Europe sociale, la réforme du marché énergétique, l'Union économique et monétaire et le renforcement de la souveraineté européenne. Nos divergences portent principalement sur la politique commerciale, notamment les accords avec l'Amérique latine comme le Mercosur - nous avons en effet senti une forte pression des représentants espagnols pour faire aboutir ce dernier le plus rapidement possible -, la place du nucléaire ou la réforme du pacte sur l'asile et la migration. À ce sujet, la coopération entre l'Espagne et le Maroc a repris, à la suite du soutien apporté par l'Espagne en mars 2022 au plan d'autonomie pour le Sahara occidental, ce qui a provoqué une crise avec l'Algérie. Cette amélioration s'est traduite par une baisse importante des arrivées irrégulières de migrants en Espagne, même si elle reste le troisième pays recevant le plus de demandes d'entrées en Europe, après l'Allemagne et la France.

La situation espagnole reste toutefois préoccupante dans le contexte actuel de polarisation forte de la vie politique que je viens de présenter et il nous faudra suivre attentivement son évolution dans les mois qui viennent.

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