Intervention de Ambroise Fayolle

Commission des affaires européennes — Réunion du 25 janvier 2024 à 8h40
Institutions européennes — Audition de M. Ambroise Fayolle vice-président de la banque européenne d'investissement bei

Ambroise Fayolle, vice-président de la Banque européenne d'investissement :

Merci pour votre invitation. La BEI a été créée par le Traité de Rome, au même moment, donc, que la Commission européenne et que la Cour de justice ; c'est une banque publique, dont les États de l'Union sont actionnaires et qui a la capacité de prêter de l'argent pour contribuer à des opérations d'intérêt européen - vous avez dit nos axes d'intervention, qu'il s'agisse du soutien aux PME, à l'innovation, aux villes et régions durables, aux politiques de l'énergie. La BEI est une banque de projet, elle n'apporte donc pas d'aide budgétaire ou sectorielle, mais nous nous inscrivons dans des projets par nous-mêmes ou en liaison avec des partenaires comme le groupe Caisse des dépôts et consignations (CDC), avec lequel nous venons de fêter les dix ans de notre partenariat : la BEI consacre environ 1 milliard d'euros par an aux projets de la CDC, principalement pour le logement social et pour le développement des territoires. La BEI emprunte pour prêter, et elle est notée « triple A » par les agences de notation, ce qui lui donne des conditions financières très favorables pour des emprunts longs - et comme nous sommes une banque publique, notre objectif n'est pas de maximiser le profit, ce qui nous donne la capacité de partager cet accès au crédit dans les meilleures conditions. Nous sommes donc une banque de projets, d'ingénieurs, très bien reconnue en Europe. Nous intervenons aussi dans le domaine de la défense, nous y sommes particulièrement attentifs, je pourrai y revenir dans le débat.

La BEI a connu deux évolutions importantes ces dernières années, liées à ce que nous avons perçu comme les besoins de financements européens. D'abord, nous avons voulu nous ouvrir davantage aux investissements plus risqués, après avoir constaté, pendant la crise de 2008-2012, qu'une des difficultés en Europe tenait à ce que les institutions financières étaient plus réticentes qu'ailleurs devant le risque. Le fonds Juncker a été mis en place pour financer des projets plus risqués, pour être davantage présents dans l'innovation. Nous continuons sur cette lancée, dans le cadre de l'instrument InvestEU. Nous contribuons largement à l'initiative RepowerEU : nous prévoyons 45 milliards d'euros supplémentaires d'ici 2027 pour des investissements dans le domaine de l'énergie renouvelable, de l'efficacité énergétique et de l'innovation dans le domaine énergétique, avec l'objectif d'augmenter l'indépendance et l'autonomie énergétique européenne. L'an passé, nous avons financé 21 milliards d'euros d'investissement dans ce secteur, avec des investissements souvent risqués, par exemple dans le domaine des batteries électriques - voyez les grosses usines de batteries comme celle de l'entreprise Northvolt, dans le nord de la Suède, ou les deux usines auxquelles nous contribuons dans le nord de la France, AESC pour 450 millions d'euros et Verkor, pour 650 millions d'euros.

À la suite d'une initiative franco-allemande de 2022, nous avons aussi décidé de mettre l'accent sur le développement des entreprises innovantes qui ne sont plus des start-up, mais pas encore des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et dont nous avons vu qu'elles avaient du mal à financer en Europe leur développement, ce qui peut les placer à la merci de capitaux extra-européens. Nous voulons aider des champions européens de la technologie à se financer et à se développer en Europe : la BEI y consacre 1 milliard d'euros. Nous nous efforçons donc d'accepter des investissements plus risqués, et en plus grand nombre, pour plus d'activité sur le sol européen.

Deuxième évolution, nous transformons la BEI en banque du climat de l'UE. Nous avons pris des engagements importants dans ce sens, nous avons l'ambition qu'en 2025, au moins la moitié de nos investissements aille au climat - que nous entendons au sens large, incluant les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique, l'innovation et l'adaptation au changement climatique. En réalité, nous avons déjà atteint cet objectif pour l'Europe, puisque sur 88 milliards d'euros d'investissement, 50 milliards vont au climat, soit près de 57 %, et nous sommes même entre 65 % et 70 % pour la France. Nous voulons également faire venir des investisseurs en Europe sur le climat. Au total, nous projetons un volume global de 1 000 milliards d'euros investis dans le climat d'ici 2030, nous tenons ce cap actuellement et c'est cohérent avec l'Accord de Paris de 2015.

La cohésion reste centrale dans notre action : 45 % de nos investissements vont aux régions de cohésion. C'était l'un des objectifs fondateurs des traités européens, l'idée étant que le développement, stimulé par la formation d'une Commission économique européenne, ferait courir des risques aux pays périphériques, plutôt au sud du continent lors des traités initiaux - et l'objectif de cohésion court tout au long de l'histoire de la BEI.

La France est le deuxième pays bénéficiaire de nos prêts, et elle occupe le premier rang pour les prêts dans le secteur du climat et de l'environnement : 11 milliards d'euros l'an passé et ce devrait être 12 milliards cette année, dont 7 milliards pour le climat, ce qui est au-dessus de la moyenne européenne. Nous finançons en France deux types de projets dans le climat : des projets qui relèvent de l'innovation, par exemple les usines très importantes de batterie automobiles, les obligations vertes d'entreprises comme Valéo, des projets énergie, des projets innovants comme celui de Sorégies, dans la Vienne, un fournisseur d'énergie qui regroupe des entreprises locales développant les énergies renouvelables tout en modernisant les réseaux d'électricité ; ensuite, nous finançons de très grandes entreprises comme Engie et Enedis, pour des projets très importants. Nous sommes présents dans le transport et la mobilité propres, dans les territoires : l'an passé, nous avons financé pour 2,7 milliards d'euros en régions pour moderniser des lignes ferroviaires ou du matériel roulant, des tramways ou d'autres transports urbains à Nantes, Nice, Tours et Strasbourg. Nous avons aussi financé des projets d'efficacité énergétique, en lien avec le groupe CDC. La BEI est donc un acteur important du soutien aux énergies renouvelables et de la lutte contre les effets du changement climatique.

Nous avons, encore, financé l'an passé un projet très important dans le domaine des semi-conducteurs, lequel est décisif dans l'autonomie stratégique européenne. Nous soutenons de longue date l'entreprise STMicroelectronics, et nous investissons désormais aussi dans une grande usine à Crolles, en Isère, installée par l'entreprise américaine Global Foundries, pour la production de semi-conducteurs à grande échelle et qui devrait apporter jusqu'à un millier d'emplois.

Nous avons également financé l'an passé un peu plus de 8 milliards d'euros en dehors de l'Europe, au service des priorités de l'UE. Nous sommes membres de ce qu'on appelle « l'équipe Europe », mise en place par la Commission européenne pour mieux coordonner les acteurs européens, qu'ils soient multilatéraux comme la BEI, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), ou bilatéraux comme l'Agence française de développement (AFD) et nous sommes également membres de la communauté des banques de développement. Une partie de ces projets déployés en dehors d'Europe vise la lutte contre les effets du changement climatique, notamment sur le continent africain.

En Ukraine, dont nous sommes partenaires depuis 2014, nous avons investi environ 2 milliards d'euros de projets depuis l'invasion russe. Nous sommes un partenaire important de l'Ukraine dans le domaine des relations avec les municipalités et les infrastructures. Le financement des infrastructures est un domaine classique d'intervention pour la BEI ; nous avons mis en place un fonds fiduciaire en faveur de l'Ukraine qui est soutenu par les États membres et la Commission européenne, avec des engagements de 400 millions d'euros en 2023, et nous allons augmenter notre capacité de soutien à l'Ukraine dans la durée. Nous le faisons en étroite coordination avec nos partenaires multilatéraux, comme la Banque Mondiale ou la Berd, compte tenu des enjeux et des besoins.

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