Intervention de André Reichardt

Commission des affaires européennes — Réunion du 21 décembre 2023 à 9h05
Économie finances et fiscalité — Révision du pacte de stabilité et de croissance - examen de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

À mon tour de remercier nos rapporteures qui ont traité ce sujet crucial. Ma première interrogation porte sur le calendrier de cette réforme. Je suis perplexe quant à la nécessité de la faire aboutir à marche forcée avant les élections européennes. Je doute que ce soit véritablement efficace dans la mesure où nous savons bien qu'en fonction des résultats de ces prochaines élections, le dispositif proposé pourrait être considérablement modifié, voire balayé d'un revers de manche - c'est ainsi que les partis qui ne sont pas franchement pro-européens seront tentés de procéder. Cette observation peut s'étendre à d'autres sujets et j'ai noté qu'hier est intervenu, semble-t-il, un accord sur le Pacte asile et migration : je n'ai pas non plus le sentiment que ce soit la bonne méthode de vouloir aboutir absolument à un accord dont on sait très bien qu'un certain nombre de pays ne l'appliqueront pas.

Ma deuxième observation porte sur la recherche d'individualisation et surtout de flexibilité à outrance dans l'application des règles de rééquilibrage financier existantes. On voit bien qu'il est difficile d'aboutir à un nouveau Pacte de stabilité et de croissance compte tenu de la diversité des situations financières des États membres. J'ai le sentiment qu'il a fallu, ici encore, tenir compte de la situation individuelle de chacun ou presque et faire en sorte que des règles soient calibrées pour permettre à chaque État membre de sortir - peu importe à quel horizon- de l'impasse financière dans laquelle il est entré. J'ai vraiment l'impression qu'on « s'accroche aux branches » et j'utilise cette expression à dessein : en s'évertuant à trouver un accord, on finit par prévoir une flexibilité telle que chaque État membre puisse s'accommoder du nouveau mécanisme.

Ce n'est pas de cette façon que j'avais conçu l'Europe. Tout d'abord les ratios de 3% et 60 % n'ont pas été inscrits par hasard : on voulait éviter les dérives constatées à l'heure actuelle. Certes, la crise sanitaire a constitué un événement exceptionnel, mais il y a quand même un moment où il faut revenir aux principes de base et, au cas présent, il me semble qu'on ne s'engage pas sur le bon chemin. En effet, on risque d'avoir demain une Europe à géométrie variable et sur le plan financier, c'est détestable : la dette publique dépasse 3000 milliards d'euros pour la seule France et je me demande quand nous pourrons rentrer dans le rang. Si nous ne sommes pas capables de le faire nous-mêmes, il faut peut-être une obligation supranationale pour nous y astreindre.

Je voudrais que nous évitions de retomber dans les erreurs du passé. Je rappelle ici que le président Hollande avait annoncé pour son quinquennat une série de réformes destinées à améliorer la situation, ce qui nous a notamment valu la création des grandes régions. Pardonnez-moi de dire les choses aussi franchement, mais je voudrais bien savoir en quoi ces grandes régions, par exemple, ont permis de réduire la dépense publique française. Je suis de ceux qui pensent que c'est juste l'inverse. Peut-être est-ce parce qu'on n'a pas été jusqu'au bout de la logique en supprimant les départements, mais il fallait être bien naïf pour penser que cela était possible. Cela m'amène à me demander qui va juger au niveau européen de la pertinence des investissements et surtout des réformes nationales destinées à améliorer notre fonctionnement. Vous avez compris que si Bruxelles s'en charge, je crains que les erreurs du passé se reproduisent avec des réformes qui, sans produire d'effets positifs, ont au contraire - et je pèse mes mots - dégradé les soldes budgétaires en augmentant encore la dépense publique.

Au-delà de ces observations, je m'empresse naturellement de vous dire que je peux tout à fait rejoindre les propositions faites par nos rapporteures ; permettez-moi cependant de penser que cet éventuel accord « à l'arrache » ne préjuge pas d'une amélioration sérieuse du fonctionnement de l'Europe sur le plan financier.

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