Intervention de Laurence Boone

Commission des affaires européennes — Réunion du 21 décembre 2023 à 9h05
Institutions européennes — Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023 - Audition de Mme Laurence Boone secrétaire d'état auprès de la ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée de l'europe

Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe :

Nous avions en effet déjà discuté de l'importance des sujets à l'ordre du jour de ce Conseil européen : le soutien à l'Ukraine et l'élargissement, la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP), le conflit au Proche-Orient, les questions de sécurité et de défense, les migrations, la COP28, la lutte contre les discours de haine...

Sur l'élargissement, le Conseil européen a pris la décision d'ouvrir les négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la Moldavie. La Hongrie s'est abstenue, ce qui permet de préserver l'unité des Européens, puisque le résultat du Conseil européen l'engage : c'est une abstention constructive. Il s'agit d'un message politique fort adressé à Moscou, et d'un rappel que l'Union européenne dispose désormais d'une vision géostratégique de l'élargissement, telle qu'elle a été défendue par le Président de la République à Bratislava fin mai ; il s'agit également d'un message d'espoir pour les autorités et le peuple ukrainiens, qui luttent au quotidien contre l'agresseur russe. C'est le symbole du soutien sans faille que l'Union européenne apporte à l'Ukraine depuis le début de la guerre. Au-delà de l'ouverture des négociations, l'Union a réaffirmé qu'elle serait aux côtés de l'Ukraine pour répondre à ses besoins militaires, tenir les engagements européens de sécurité, travailler sur les avoirs gelés - en complément de l'aide bilatérale apportée par les États membres.

L'octroi du statut de pays candidat à la Géorgie est conditionné à la mise en oeuvre des nécessaires réformes en matière d'État de droit. On l'a vu, les négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord, ouvertes depuis plus de vingt ans, patinent, car celle-ci ne met pas en oeuvre une des réformes clés qu'est son accord avec la Bulgarie. Les progrès en matière d'État de droit sont déterminants - c'était la condition pour ouvrir les négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la Moldavie. Le Conseil européen a également envoyé un signal clair à la Bosnie-Herzégovine en rappelant que les négociations d'adhésion seraient ouvertes lorsque les réformes nécessaires auraient été mises en oeuvre.

Vous organisiez, le 30 novembre dernier, une table ronde sur l'élargissement de l'Union et les réformes institutionnelles nécessaires pour éviter les blocages. Nous pourrons y revenir. La France a plaidé auprès de ses partenaires, et les a convaincus, que l'élargissement doit s'accompagner d'une révision de nos politiques communes, du financement, de la gouvernance, et du fonctionnement institutionnel de l'Union. On commence à en chiffrer le coût, en matière de politique agricole ou de cohésion. Cette Union élargie n'aura pas les mêmes priorités, et nous préserverons bien entendu les intérêts français dans les négociations. Pour ce faire, le Conseil européen a demandé à la présidence belge d'élaborer une feuille de route sur la réforme de l'Union européenne d'ici à l'été 2024. Cela peut paraître technocratique, mais il s'agit d'ancrer politiquement la nécessité de revoir les politiques européennes, leur budget et leur gouvernance, plutôt que d'élargir précipitamment.

D'ici à l'été sera également adopté l'agenda stratégique pour la nouvelle Commission européenne, qui amplifiera les orientations prises jusqu'ici : plan de relance européen, mutualisation d'achats de vaccins, financement d'armes pour l'Ukraine et, surtout, affirmation d'une Europe souveraine, dans le prolongement de l'agenda de Versailles, adopté après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Pour tout cela, nous avons besoin de moyens financiers. Sur la révision du cadre financier pluriannuel (CFP), nous avons abouti à un équilibre qui a été gelé pour discussion jusqu'à la prochaine réunion du Conseil européen, le 1er février 2024. Pour la France, il s'agissait de limiter la facture pour les États membres, tout en assurant la pérennité du financement des priorités essentielles que sont le soutien à l'Ukraine, les politiques migratoires et la souveraineté technologique. Le fonds de souveraineté défendu par la France restera dans le CFP. Les positions se sont rapprochées, nous étions très proches d'un accord : c'est pourquoi le Conseil européen se réunira à nouveau le 1er février, en espérant conclure - quitte à y passer quatre jours, comme en juillet 2020 !

La défense nous tient à coeur. Sous la présidence française, nous avons lancé un effort industriel pour renforcer nos capacités de production et notre maîtrise des technologies de défense sur toute la chaîne d'approvisionnement des armées. Nous disposons donc déjà d'une stratégie industrielle de défense. Le Conseil européen a demandé à la Commission européenne de présenter en février un instrument pour favoriser à la fois les investissements et les acquisitions conjointes. Le Président de la République a insisté : il ne s'agit pas de créer un marché unique de la défense, mais un marché intégré, qui permette aux États de bénéficier d'une meilleure défense à un coût moindre. Cela nous permet aussi de conserver notre souveraineté en matière d'exportations.

Il y a eu une discussion sur la réforme du Pacte sur la migration et l'asile. Le Parlement européen est arrivé à un compromis. Cet accord nous permettra de mieux maîtriser les flux migratoires aux frontières extérieures tout en accueillant les demandeurs d'asile avec humanité. Renforcer les frontières, c'est préserver la liberté de circulation au sein de l'Union. Notre politique d'asile et d'immigration sera plus juste, plus humaine, plus efficace. Les contrôles aux frontières extérieures seront renforcés, avec un système d'enregistrement systématique et sécurisé ; les demandes seront traitées plus rapidement, ce qui est gage d'un accueil digne ; les États membres seront solidaires, puisque chacun accueillera des demandeurs d'asile ; les migrants économiques, qui n'ont pas vocation à bénéficier de l'asile, quitteront le territoire plus rapidement. En parallèle, nous continuons à travailler avec les pays de départ et de transit.

Sur le Proche-Orient, il y a convergence des objectifs, mais pas forcément des positions. La sécurité d'Israël, la paix et la sécurité de la région, la résolution de la crise humanitaire à Gaza, la défense du droit international humanitaire font consensus. La France a rappelé la priorité : la libération inconditionnelle des otages détenus par le Hamas. À ce titre, je présente mes condoléances à la famille d'Elia Toledano. Sur le volet humanitaire, la convergence est plus grande. Le Conseil européen a invité à coordonner les initiatives humanitaires pour qu'elles soient plus efficaces et plus rapides. Sur le volet sécuritaire, le Président a proposé une coordination renforcée en matière de sécurité maritime, alors que nos navires ont détourné des drones qui ciblaient un bateau norvégien. Au-delà des missions Atalante et Agénor, il s'agit de se coordonner pour lutter contre le terrorisme. Enfin, et cela a été répété, tous les États membres plaident pour une solution à deux États.

Deux mots sur la COP. Nous avons enclenché un mouvement global de transition hors des énergies fossiles et fixé un objectif de triplement de la production d'énergies renouvelables d'ici 2030. La position de l'Union européenne vient en soutien des solutions financières pour l'atténuation du réchauffement climatique, l'adaptation et son financement.

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