Intervention de Céline Brulin

Réunion du 30 janvier 2024 à 15h00
Société du bien-vieillir en france — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Céline BrulinCéline Brulin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cette proposition de loi sur le bien-vieillir, certains pensaient peut-être calmer les impatiences à l’égard d’une grande loi sur l’autonomie, maintes fois annoncée, mais sans cesse repoussée. Je crois que c’est raté !

Ce texte comporte bien quelques éléments pratiques, qui ont été rappelés par nos rapporteurs, mais, comme ces derniers l’ont à juste titre indiqué, il ressemble davantage à un catalogue de mesures sans ambition. Je salue le travail qu’ils ont accompli pour lui donner une véritable colonne vertébrale et le recentrer sur ce qui relève du domaine de la loi. Nous sommes en effet bien loin de l’ambition que notre société doit nourrir en matière d’autonomie.

Pour ce qui nous concerne, nous considérons que le terme « autonomie » recouvre non pas uniquement le grand âge, mais également la situation des personnes en situation de handicap.

L’exaspération suscitée par le report incessant de cette grande loi sur l’autonomie a même fait naître une sorte d’ovni législatif, puisque la promesse de ce texte est insérée dans la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Cependant, le doute demeure, et pas seulement sur le véhicule législatif qui sera approprié pour l’examiner. De fait, madame la ministre, vous avez confirmé votre volonté de cette grande loi, mais vous avez également annoncé une saisine du Conseil d’État. Dans ces conditions, je me demande si le Gouvernement ne va pas devenir coutumier d’une pratique consistant à s’en remettre aux institutions juridiques pour régler des problèmes politiques…

Je m’inquiète aussi de n’avoir pas entendu un seul mot sur ce thème, pourtant majeur dans notre société, dans la bouche du Premier ministre, qui vient de faire sa déclaration de politique générale.

Si elle manque d’ambition, cette proposition de loi contient aussi des orientations inquiétantes.

Je pense au financement du forfait soins, qui devrait désormais financer également des actes de prévention, vraisemblablement au détriment des uns et des autres, compte tenu des montants qui pourraient y être consacrés.

Je pourrais aussi évoquer le regroupement des établissements médico-sociaux, les mutualisations, la rationalisation que ce texte vise. Nous savons d’expérience à quoi ces derniers peuvent conduire, tout particulièrement quand près de 80 % des Ehpad publics sont aujourd’hui en déficit.

Ces mesures affecteront encore un peu plus le fonctionnement des établissements et la prise en charge des personnes âgées, accentuant les carences d’un système d’accompagnement du vieillissement en grande difficulté.

À ce titre, je regrette que les dispositifs de contrôle et les sanctions, notamment à l’égard des Ehpad privés à but lucratif, aient été assouplis. Les scandales que nous avons connus dans ce secteur méritent pourtant que l’on mette fin à un certain nombre de pratiques !

Cette proposition de loi manque donc cruellement de fond, de moyens et de véritable volonté politique.

Le travail de fond doit, à nos yeux, prendre en compte les évolutions de notre société, comme les nouveaux besoins des personnes qui vieillissent et de celles qui sont en situation de handicap, sur lesquelles cette proposition de loi fait d’ailleurs totalement l’impasse.

Il est crucial de revaloriser les personnels accompagnants et soignants dans le secteur du soin à domicile, les personnels des Ehpad, tous ces métiers du lien et du soin, qui veulent assurer le bien-vieillir de la population, mais sont souvent eux-mêmes aussi en souffrance.

Leur manque de reconnaissance, la faiblesse de leur rémunération conduisent à la pénurie que nous connaissons aujourd’hui et que le rythme de créations d’emplois que vous avez évoqué, Madame la ministre, ne permettra pas de résorber. Ni ce qui a été inscrit dans les deux dernières lois de financement de la sécurité sociale ni l’objectif de 2030, dont vous venez de parler, ne sont à la hauteur, alors que, si ma mémoire est bonne, le Président de la République annonçait la création de 50 000 emplois à la fin du quinquennat !

Je crois aussi que les revalorisations de ces personnels ne peuvent être à la charge des seules collectivités – départements ou communes.

Les compensations du Ségur sont incomplètes. La mise en œuvre des tarifs planchers est très inégalitaire, notamment à l’égard des départements les plus vertueux. Les aides à la mobilité ou la mise en place d’une carte professionnelle, pour souhaitables qu’elles soient, ne suffiront pas.

De même, un grand effort de formation doit, à nos yeux, être engagé.

D’autres métiers doivent également être entendus, notamment au regard de la valeur ajoutée qu’ils peuvent apporter en matière de prévention ou d’accompagnement. Nous reviendrons, au travers d’amendements, sur le cas des kinésithérapeutes ou des mandataires judiciaires.

Nous défendrons aussi des propositions de recettes nouvelles, afin de mettre en place un véritable service public de l’autonomie et de procéder aux recrutements indispensables pour atteindre le taux d’encadrement d’un personnel pour un résident ou, à défaut, de huit soignants pour dix résidents, conformément à l’engagement gouvernemental.

Vous le voyez, madame la ministre, malgré notre impatience, nous allons agir pour que cette loi aille dans le bon sens et soit au rendez-vous. Je crois que c’est ce qui est attendu – tous mes collègues le disent. Vous pouvez compter sur nous pour vous aider !

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