Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 15 millions, c’est, selon l’Insee, le nombre de Français âgés de 65 ans ou plus au 1er janvier 2023. C’est 20, 5 % de la population, soit une augmentation de 4, 7 points en vingt ans.
La quasi-totalité de la hausse de la population des cinquante prochaines années concernera les personnes âgées de plus de 65 ans ; le nombre des 75-84 ans devrait même augmenter de 50 % d’ici à 2030, dépassant le seuil des 6 millions.
Parce que notre société vieillit, il est urgent d’anticiper ce vieillissement pour garantir une vie de qualité et un cadre de vie décent pour tous.
Comment atteindre cet objectif quand nous connaissons les difficultés structurelles de ce secteur ?
Comment coordonner les politiques publiques, pour que la question du vieillissement de la population soit toujours prise en compte dans la réflexion des décideurs publics ?
Comment piloter efficacement à l’échelon national les actions d’une politique très départementalisée ?
Comment redonner de l’attractivité à ce secteur, qui en manque cruellement depuis des années ?
C’est pour tenter de remédier à cela que le Gouvernement a décidé de créer, en 2020, une cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l’autonomie, afin d’assurer une lisibilité des mesures prises sur le sujet.
Cette branche est par la suite montée en charge, avec des financements toujours plus importants.
En témoigne encore l’affectation à son financement de 0, 15 point de CSG (contribution sociale généralisée), soit 2, 4 milliards d’euros supplémentaires par an, pour atteindre 42 milliards d’euros de dépenses en 2026.
C’est aussi parce que nombre de questions restent en suspens que des députés de la majorité présidentielle ont décidé en 2022 de mettre leurs forces en commun afin de rédiger cette proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France que nous nous apprêtons à étudier.
Je salue cette initiative et rends hommage aux deux rapporteures du texte à l’Assemblée nationale, Laurence Cristol et Annie Vidal, pour leur mobilisation afin de faire aboutir ce texte, ainsi qu’à Astrid Panosyan-Bouvet, qui en a coordonné l’écriture.
Ce texte intervient sur trois axes essentiels.
Tout d’abord, il s’agit de renforcer la coordination nationale des politiques publiques en matière de prévention de la perte d’autonomie, grâce à la création de la conférence nationale de l’autonomie, hélas ! supprimée par la volonté des rapporteurs – nous aurons l’occasion d’y revenir –, et de lutter contre l’isolement social.
Cela se traduit dans ce texte par le financement d’actions de prévention – promotion de l’activité physique adaptée (APA), lutte contre la dénutrition ou intervention de référents qualifiés –, mais également par un élargissement des missions du médecin coordinateur et l’obligation d’un cahier des charges nutritionnel spécifique.
Ce premier axe se décline enfin au travers de la généralisation de l’expérimentation du programme de prévention de la perte d’autonomie sur le repérage précoce des fragilités.
Ensuite, il s’agit de lutter de manière plus efficace contre la maltraitance. En effet, cela mérite toujours d’être rappelé : les personnes âgées, peu importe leur degré de perte d’autonomie, sont des citoyennes et des citoyens à part entière, disposant de libertés et de droits.
Cette réaffirmation passe par l’ouverture de nouveaux droits aux résidents en établissement, grâce à l’instauration d’un droit de visite et de conservation du lien social, mais aussi par la création d’une instance territoriale de signalement des actes de maltraitance et par le renforcement de la protection juridique des majeurs.
Enfin, il s’agit de permettre le maintien à domicile par un meilleur accompagnement des professionnels du secteur.
Le renforcement de l’accompagnement et de l’attractivité des professions d’aide à domicile est en effet absolument essentiel pour réussir le virage domiciliaire.
Concrètement, cela se décline dans ce texte par la création d’une carte professionnelle, par le financement d’actions de soutien à la mobilité des aides à domicile par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ou encore par le développement des alternatives à l’Ehpad, telles que l’habitat inclusif, les résidences autonomie et l’accueil familial.
Cette proposition de loi est donc une brique supplémentaire indispensable, qui devra toutefois être complétée.
À cet égard, nous nous réjouissons que vous ayez réaffirmé l’engagement de votre prédécesseur afin qu’une loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge puisse être examinée avant la fin de l’année, madame la ministre. Celle-ci était attendue par tous. D’ailleurs, les parlementaires de la majorité présidentielle se sont mobilisés depuis l’origine pour qu’elle voie le jour.
Vous l’aurez compris : nous soutiendrons cette proposition de loi et saluons le travail accompli par les rapporteurs pour que ce texte retrouve un nombre d’articles décent.
Néanmoins, lors des débats à venir, nous reviendrons sur quelques points de désaccord au sujet desquels nous souhaitons discuter.
Tel est le cas de l’article 1er et de la suppression de la conférence nationale de l’autonomie.
Depuis de nombreuses années, les acteurs et les élus de toutes sensibilités déplorent l’absence d’un organe de pilotage des politiques du grand âge et de l’autonomie à l’échelon national. À ce titre, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a souvent été critiquée pour son manque d’incarnation.
Alors que cette proposition de loi tente de répondre à cette problématique par la création de cette conférence, vous décidez de supprimer ce dispositif, mes chers collègues !
Pourtant, nous avons vivement besoin de cet organe, qui n’est pas un simple outil d’habillage. Il nous faut mieux coordonner les acteurs sur l’ensemble du territoire pour avoir une politique efficace, prenant en compte les spécificités géographiques et démographiques de chaque territoire. C’est pourquoi nous défendrons un amendement de rétablissement de cette conférence.
Nous sommes aussi attachés au maintien de plusieurs articles, position que nous défendrons par le biais d’amendements, ainsi que de nombreuses avancées, telles que le développement de l’accueil familial, une meilleure formation des professionnels du secteur ou encore une pérennisation du dispositif de relayage pour les proches aidants.
Par ailleurs, intituler ce texte « proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie » est méprisant : loin de comporter « diverses mesures », ce texte constitue au contraire un ensemble cohérent pour bâtir une société du bien-vieillir.
Même si le Gouvernement a annoncé en 2021 un plan de rattrapage de l’offre pour personnes âgées dans les régions insulaires et ultramarines, il faut aller encore plus loin, tant ce sujet est urgent dans nos territoires.
Madame la ministre, nous comptons donc sur vous pour que la prochaine loi de programmation tienne compte de la prise en charge du vieillissement en outre-mer, car le bien-vieillir doit être une réalité sur l’ensemble du territoire.