Intervention de Cyril Lalo

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 27 février 2024 à 16h00
La fiscalité comportementale — Audition de Mme Stéphanie Martel directrice des affaires externes et gouvernementales philip morris france Mm. Benoît Bas directeur des affaires publiques et de la communication japan tobacco international france vincent zappia responsable des affaires publiques british american tobacco france et cyril lalo directeur des relations extérieures imperial tobacco seita

Cyril Lalo, directeur des relations extérieures, Imperial Tobacco Seita :

Je représente Seita, filiale d'Imperial Brands. Nous opérons en France sur le tabac et le vapotage et sommes le dernier acteur à disposer d'une usine en France, près du Havre. Depuis une dizaine d'années, nous sommes engagés dans une transformation de grande ampleur. Cela fait des décennies, en effet, que l'industrie tente de réduire la nocivité du tabac. C'est un fait établi : dès lors qu'il y a combustion, il y a nocivité. Tous les produits évitant la combustion - vapotage, tabac à chauffer, sachets de nicotine - présentent donc un intérêt dans une approche de réduction des risques. Notre société a d'ailleurs été la première dans le secteur traditionnel, en 2018, à tenter de démocratiser le vapotage au sein du réseau des buralistes, avec la marque Blu. Notre objectif en France est simple : accompagner le fumeur qui n'arrive pas à arrêter de fumer vers le vapotage.

Comme l'évoquait Mme Martel, la fiscalité comportementale n'est pas efficace d'un point de vue budgétaire, avec des recettes fiscales en baisse depuis 2022, voire 2021. Pour justifier les propositions de hausse fiscale qu'elle présente aux parlementaires, la DSS promet une hausse des recettes. Force est de constater que cette dernière n'a pas eu lieu. En 2023, par exemple, alors qu'on lui promettait 270 millions d'euros de recettes supplémentaires, l'État a en réalité perdu 170 millions d'euros comparé à 2022.

Au-delà, il faut également prendre en compte les pertes fiscales mentionnées par Gabriel Attal dès décembre 2022. Il est étonnant et malheureux d'entendre le ministre de l'économie et des finances annoncer une réduction des dépenses publiques d'environ 10 milliards d'euros cette année quand, dans le même temps, son homologue de la santé rappelle, dans les colonnes du journal de la Confédération des buralistes, le Losange, que le commerce parallèle du tabac entraîne pour l'État des pertes fiscales de 5 milliards d'euros.

D'un point de vue comportemental, la fiscalité du tabac n'est pas plus efficace. De 2017 à 2022, la fiscalité des cigarettes et du tabac à rouler a été respectivement augmentée de 50 % et 90 %. Pour quels résultats ? La prévalence tabagique stagne ou baisse très légèrement et, dans le même temps, les ventes légales ont chuté de 28 %, tandis que la population générale augmentait légèrement. L'équation ne peut fonctionner que si l'on prend en considération le marché parallèle, qui explose de façon terrifiante. En 2022, quatre cigarettes sur dix fumées en France ne provenaient pas du réseau des buralistes. Ce week-end, 17 tonnes de tabac de contrebande ont été saisies près d'Angers. N'oublions pas que durant le confinement de 2020, les ventes légales ont bondi en moyenne de plus de 25 % en France et jusqu'à plus de 283 % près des frontières, du fait de l'inaccessibilité du marché transfrontalier et de la contrebande.

Depuis plusieurs années déjà, nous demandons que l'État publie un rapport annuel examinant le marché du tabac dans son entièreté, en tenant compte du marché illégal. Cette connaissance globale est essentielle si l'on veut prendre des décisions fiscales pertinentes. En l'état, la fiscalité du tabac nourrit le marché parallèle et finance les réseaux criminels ; elle ne réduit pas sensiblement le nombre de fumeurs.

Vous nous interrogez sur les effets de l'augmentation déjà actée de la fiscalité du tabac. Je dirai : mêmes causes, mêmes effets. La poursuite de l'augmentation, jointe à la montée en charge de la filière environnementale des mégots, risque d'affecter le marché dans sa globalité. Si le rythme d'évolution du marché parallèle et de son corollaire, la baisse des ventes chez les buralistes, se poursuit, il y aura d'ici à cinq ans autant de tabac acheté sur le marché parallèle que chez les buralistes.

Enfin, Mme Martel évoquait les prévisions erronées de la DSS. J'ajouterai que dans la présentation qui a été faite à l'occasion du PLFSS pour 2022, il manquait un élément fondamental. Alors que le baromètre annuel de Santé publique France, habituellement publié en mai, était prêt en août, il n'a été publié qu'en décembre, soit après la fin des travaux parlementaires. Or, il rappelait que la prévalence tabagique n'avait pas sensiblement évolué depuis 2017, reconnaissant ainsi le mauvais fonctionnement de la politique fiscale. Il s'agit là d'une pratique douteuse gênante, qui n'a pas permis au Parlement d'avoir une vision complète du marché.

En conclusion, la fiscalité du tabac n'est plus efficace d'un point de vue budgétaire, elle n'est plus efficace d'un point de vue sanitaire et son seul impact, à ce rythme, pourrait se résumer ainsi : moins de ventes légales, moins de recettes fiscales et plus de marché parallèle. Nous offrons sur un plateau le marché du tabac aux réseaux criminels.

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