Le chiffre d'affaires global de l'industrie est public. Il suffit de prendre les chiffres de ventes publiés par les douanes et de faire le calcul en appliquant le taux de fiscalité sur chaque type de produit.
En 2022, le chiffre d'affaires de la filière était d'environ 20 milliards d'euros. Dans le terme « filière », j'inclus cependant l'État - pour un peu plus de 17 milliards d'euros sous forme de taxes -, les buralistes - environ 2 milliards d'euros - et l'industrie - 1,2 milliard d'euros. Ainsi, quand les ONG antitabac affirment que nous faisons 20 milliards d'euros de marge, elles confondent marge et chiffre d'affaires, et ne citent pas le chiffre qui nous concerne.
Les différents plans mis en oeuvre auraient induit des changements de comportement... En réalité, le principal changement comportemental constaté est une démarche d'optimisation fiscale du consommateur ! Pour prendre un exemple absurde, mais qui relève du quotidien, imaginons deux boulangeries très proches l'une de l'autre, la première vendant la baguette à 10 euros, la seconde à 5 euros : au bout d'un moment, même si la baguette à 5 euros est moins bonne, le client finira par l'acheter. Dans un pays où les questions d'inflation et de pouvoir d'achat sont importantes, cela devient un réflexe. Il faut le savoir, un fumeur français découvrant le marché parallèle ne retournera jamais chez son buraliste ; il échappera alors aux politiques de santé publique.
Par ailleurs, le maintien de la prévalence tabagique à un niveau élevé s'explique par les différents éléments déjà évoqués. Effectivement, la France, pays européen où les prix du tabac sont les plus élevés, n'est pas une île. Dès lors qu'il est possible, au sein de l'Union européenne, de traverser rapidement une frontière pour acheter des produits deux fois moins chers, les gens le font. Les achats transfrontaliers de tabac ont créé une sorte d'appel d'air. On a commencé avec une contrebande de fourmis, puis le marché parallèle a suscité l'intérêt des réseaux de criminalité et, en parallèle, la contrefaçon a explosé. En 2017, le marché parallèle était constitué pour moitié d'achats transfrontaliers et pour moitié de contrebande. En 2022, la contrefaçon en représente encore 50 %, avec une surface de contact entre acheteurs et vendeurs à la sauvette qui s'est développée de façon ahurissante. Hier, il fallait traverser la frontière ; aujourd'hui, il suffit d'aller en bas de chez soi !
Manifestement, la fiscalité comportementale sur le tabac n'est plus la solution. M. Bas le disait très justement : du point de vue des recettes fiscales, nous avons dépassé le pic de la courbe de Laffer. Les chiffres annuels de Santé publique France sont par ailleurs incontestables.
Vous évoquez le succès des campagnes du PNLT. En la matière, la manifestation phare annuelle est le « Mois sans tabac », dont le nombre d'inscrits baisse d'année en année. Par ailleurs, la réduction de la prévalence tabagique observée en 2018 et 2019 est liée non pas à la politique fiscale, mais au développement du vapotage. Or, le vapotage qui était encouragé, à la fois, lors du « Mois sans tabac » et sur Tabac Info Service, ne l'est plus.
Dès lors, que peut-on améliorer ? Il faut surtout faire de l'information. Au Royaume-Uni, le National Health Service (NHS), l'équivalent de Santé publique France, a pris clairement fait et cause pour le vapotage, en multipliant les campagnes d'information, d'éducation et de sensibilisation. Dans le cadre du programme « Swap to stop » - « Changer pour arrêter », le Gouvernement a distribué plus d'un million de kits de vapotage à des fumeurs en leur disant : « Essayez, parce que ça marche ». Et en effet, cela fonctionne. Dès 2019, des études concluaient que le vapotage était plus efficace pour arrêter de fumer que les patchs nicotiniques. Rappelons que le premier ne coûte rien à l'État quand les seconds représentent plusieurs centaines de millions d'euros de remboursement. Là encore, il faut s'interroger et, probablement, changer de logiciel.