Intervention de Philippe Coy

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 27 février 2024 à 16h00
La fiscalité des produits du tabac — Audition de M. Philippe Coy président de la confédération des buralistes

Philippe Coy, président de la Confédération des buralistes :

Je suis très honoré d'être aujourd'hui parmi vous, car je crois que la Confédération des buralistes est auditionnée pour la première fois par votre commission sur le sujet de la fiscalité comportementale. Je vous sais gré d'écouter notre profession et j'estime, en tant qu'homme de dialogue, qu'il faut confronter les idées divergentes afin de contribuer au bien commun.

Je vous remercie donc de nous recevoir sur un deuxième créneau, au titre des distributeurs et non pas au titre d'émetteurs sur le marché. Les 23 000 buralistes que je représente sont des entrepreneurs, des hommes et des femmes qui exercent leur métier de débitant de tabac sur tout le territoire sur la base d'un traité de gérance. La Confédération des buralistes est l'organisation professionnelle représentative de ces 23 000 buralistes, avec un taux d'adhésion assez flatteur de 87 %.

Chargé de cette organisation depuis octobre 2017, j'exerce moi-même le métier de buraliste depuis vingt-trois ans dans les Pyrénées-Atlantiques, plus précisément dans la petite commune de Lescar, dans laquelle j'ai exercé un mandat d'élu jusqu'en 2020. Passionné de commerce de proximité, j'ai rejoint la famille des buralistes en 2000. Je précise que Lescar est située à 45 minutes de la frontière espagnole.

Cette proximité n'a pas douché mon ambition de devenir buraliste et de porter cette vision d'une profession qui est avant tout une profession de commerçant engagée sur tous les territoires, désireuse d'être utile au travers d'un plan de transformation que j'ai initié lors de mon arrivée aux responsabilités. Mon constat était qu'après des années difficiles, le réseau de buralistes disposait malgré tout d'opportunités : 10 millions de Français fréquentent chaque jour nos commerces, dont 42 % ne viennent pas pour acheter du tabac.

Au-delà des sujets préoccupants et prégnants du tabac, coeur de métier des buralistes, nous devions donc saisir toutes les opportunités dans le cadre de ce plan, signé dès 2018 avec le ministère des comptes publics. J'ai porté une vision non pas de combat, mais davantage de soutien et de mutation du métier de buraliste. L'évolution n'est en aucun cas synonyme de reniement : il s'agit de savoir s'adapter aux enjeux contemporains et aux contraintes réglementaires, ledit plan ayant été renouvelé en janvier 2022 pour cinq ans supplémentaires.

La première phase d'application, de 2018 à 2022, s'est avérée un succès puisque 4 426 entreprises, avec le concours des fonds publics, se sont engagées dans cette transformation visant à donner un nouvel élan à notre métier. L'un de nos objectifs consiste à atteindre un taux de 50 % d'entreprises transformées à l'horizon de 2027, en rappelant que la Confédération regroupe des indépendants et non pas des franchisés : son rôle consiste à faciliter la prise de conscience des professionnels quant aux responsabilités qui leur incombent en vertu des contrats de gérance, dont celles qui sont liées à la protection des mineurs.

D'ici à la fin de mon mandat en octobre 2025, je souhaiterais bâtir un meilleur encadrement des produits dits « sensibles » et notamment ceux qui sont liés à la nicotine. En effet, aucun cadre réglementaire n'existe actuellement pour cette substance alors qu'il vaudrait mieux anticiper. Ma démarche peut paraître surprenante aux yeux des autorités sanitaires ou de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), mais j'estime que solliciter un encadrement réglementaire relève d'une approche responsable. Nous avons d'ailleurs déjà joué le rôle de lanceurs d'alerte par rapport à des nouveaux produits arrivant sur le marché.

Les entrepreneurs que je représente, engagés au service d'une population, d'un territoire et d'un métier, expriment, à l'instar de leurs concitoyens, de nombreuses inquiétudes. Témoins du quotidien, les buralistes souhaitent être utiles et faire évoluer leur métier de débitant à commerçant d'utilité locale. En remplissant le rôle de relais essentiel du lien social et du bien-vivre ensemble dans les territoires, ils sont en quelque sorte « les plus près des plus éloignés ». Dans le cadre de ces évolutions du métier, nous devons tenir compte des contraintes sociétales et servicielles : le buraliste est en effet au service des populations et des territoires, son contrat de gérance impliquant des obligations auprès de la direction générale des finances publiques (DGFiP) - avec le paiement de proximité - et du service postal.

Nous ne sommes en aucun cas des opposants à la santé publique. Comme je l'ai expliqué aux quatre ministres avec qui j'ai été amené à travailler en six années de mandat, les manifestations des buralistes organisées dès 2003 ne visaient pas la politique de santé publique à proprement parler - nous devons tous en être les acteurs - mais la méthode choisie, à savoir une augmentation exponentielle de la pression fiscale. Le premier plan Santé adopté sous la présidence de Jacques Chirac avait abouti à une augmentation du prix du tabac de 40 % en octobre 2003, d'où des années difficiles et la fermeture de 10 000 établissements en l'espace de quinze ans, phénomène que vous avez pu observer dans vos territoires respectifs. La fermeture de ces commerces de proximité a souvent été un drame, tant ils pouvaient être l'âme d'un village ou d'un quartier. Mes collègues qui ont baissé définitivement le rideau n'étaient pas fautifs, mais n'ont pas eu le temps de s'adapter à un changement brutal.

En conclusion, nous souhaitons être des acteurs responsables et réactifs par rapport aux enjeux de société, dont la santé. Je signale que nous avions alerté les autorités à propos des dérives observées autour des puffs sur lesquels vous vous êtes prononcés récemment, en pointant leurs techniques de commercialisation et leur appropriation par un public trop jeune. Nous avons également soutenu la loi « Influenceurs » et travaillé avec la Mildeca comme avec l'Autorité nationale des jeux (ANJ) : acteurs du quotidien, nous sommes les mieux placés pour veiller à mieux protéger certaines populations des produits engendrant certaines dérives.

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