Avec un mélange de sérénité et d'ennui. En ce qui concerne la fiscalité, les objectifs de collecte affichés dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale ne sont plus atteints depuis quelques années. Si la hausse du prix du tabac venait conforter les revenus des buralistes, l'inquiétude ne serait pas de mise, mais nous observons depuis deux ans la conjonction entre une baisse des volumes et des valeurs négatives chez les buralistes. L'année dernière, les volumes comme les valeurs ont reculé de 7,5 %, une symétrie qui n'avait jamais été constatée jusqu'à présent et qui signifie que le rendement de la fiscalité est lui-même largement affecté.
Il serait bien sûr irréaliste de vous demander de faire marche arrière : solliciter un moratoire semble plus raisonnable afin de pouvoir organiser des politiques de santé publique. Pour y parvenir, j'estime que nous devrions faire preuve d'une ambition en termes de prévention et d'éducation qui fait à ce stade cruellement défaut. Souvent citée, l'Allemagne pourrait être une source d'inspiration, car ce pays a obtenu de véritables résultats avec une prévalence tabagique inférieure de 10 points à celle de la France. La publicité pour le tabac y était pourtant autorisée jusqu'à récemment, tandis que les prix y sont plus bas et que des distributeurs automatiques y sont accessibles. L'écart avec la France tient à l'existence d'une véritable politique éducative et de sensibilisation, dès le plus jeune âge.
Au cours d'une audition à l'Assemblée nationale, je m'étais interrogé sur la moindre ambition française dans ce domaine : si l'enjeu consiste à empêcher les jeunes d'entrer dans le tabagisme, une sensibilisation est nécessaire dès le plus jeune âge et non pas au moment de l'adolescence, à un moment où les amis peuvent exercer une influence. Trois ans plus tôt, j'avais écrit aux deux organisations de parents d'élèves afin de travailler avec elles sur ce sujet, mais mes courriers sont hélas ! restés sans réponse. Il est tout à fait possible de reprocher aux buralistes de vendre du tabac, mais je rappelle que ce produit est légal, et qu'aucune politique ne pourra être menée sans une mobilisation de l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des parents d'élèves, de l'Éducation nationale, des professionnels de santé ou des parlementaires, sans stigmatiser inutilement une profession.
Nous avons cependant un avenir, qui passera par un approfondissement de notre plan de transformation : parmi les 4 426 collègues qui ont déjà opéré leur transformation, un sur deux a créé un emploi complémentaire, développé un nouveau flux de clients et augmenté de 20 % à 25 % son chiffre d'affaires connexe. Il s'agit bien de créer de la valeur ajoutée, non pas autour du tabac, mais autour de nouveaux produits de nouvelle génération, à la condition qu'un cadre réglementaire clair leur soit fourni.
Ayant participé récemment à la célébration des dix ans du monopole hongrois, instauré pour mieux maîtriser la distribution, j'ai pu échanger avec le directeur qui soutenait ma démarche consistant à demander un nouveau cadre réglementaire, les législations existantes étant débordées par l'arrivée de produits tels que les puffs ou les perles de nicotine.
L'horizon des buralistes se dessine également au travers du renforcement de leur rôle de commerce essentiel de proximité : ils peuvent prendre le relais de La Poste, voire celui des établissements bancaires en installant des distributeurs d'argent à leurs frais. Dans une logique similaire, le succès du paiement de proximité pour les impôts du quotidien a pleinement satisfait la DGFiP tout en facilitant la vie des usagers. Nous sommes donc utiles aux territoires, en complément et non pas en remplacement du service public.
Ces évolutions n'ont rien d'inné chez des commerçants indépendants, mais il me semble indispensable d'accomplir ce pas de côté pour assurer un avenir à notre profession, qui doit s'adapter aux nouvelles générations et aux nouveaux produits.