La crise du logement s'observe partout en Europe, comme m'en ont fait part de nombreux représentants de villes - Barcelone, Munich - ou de régions. Cette question a joué un rôle important lors des élections aux Pays-Bas. Or cette crise a des conséquences sociales considérables, notamment sur l'emploi. Cette compétence nationale et parfois locale est donc devenue un problème européen. Comment l'Europe peut-elle agir sur ce point ?
La Commission européenne ne va pas se mettre à construire des logements, mais la solution à la crise reste la construction. Pour la plupart des gens, et non plus seulement pour ceux qui ont les plus bas revenus, il est devenu difficile de payer un loyer ou d'accéder à la propriété. Le coût du logement représente désormais 40 % du revenu. Ce pourcentage est passé en quinze ans de 20 % à 40 %. Il s'agit d'une situation sociale dangereuse, et aussi économiquement absurde. Tout l'argent qui est destiné à financer le logement ne peut en effet être dépensé ailleurs. Cela a une incidence sur la croissance. S'ensuivent des problèmes d'emploi, compte tenu des temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail, notamment.
Nous tâchons de mobiliser davantage de fonds européens pour investir dans la construction de logements, particulièrement les sommes disponibles dans le cadre du plan de relance et de résilience, dont certains États membres se sont servis pour investir dans des logements abordables. Je plaide par ailleurs pour l'assouplissement des mesures existantes concernant les aides publiques au logement, qui se limitent actuellement au logement social pris au sens strict. Enfin, la Banque européenne d'investissement (BEI) finance des projets, mais de façon trop modeste. Sa nouvelle présidente a toutefois un autre regard sur le sujet.
Une réunion aura lieu le 9 février prochain sur le sans-abrisme, forme extrême des difficultés de logement. Nous avons lancé une plateforme pour lutter contre ce phénomène en Europe. On compte environ 1 million de personnes sans abri en Europe, et cette tendance est croissante, surtout depuis la pandémie de covid-19.
L'Europe doit donc traiter ces problèmes, même si l'essentiel de la compétence réside au sein des États membres ou des entités régionales. Il s'agit d'un grand sujet européen, sur lequel l'attente est forte. On attend de l'Europe qu'elle soutienne les États membres dans leur politique de logement.
Les travailleurs des plateformes sont un peu plus de 30 millions. Toute directive qui est élaborée à l'échelle européenne est bien sûr précédée d'une longue étude d'impact. Selon cette étude, si la directive proposée par la Commission européenne - qui n'est pas la version actuellement discutée en trilogue - était appliquée, 5 millions de personnes travaillant pour les plateformes seraient requalifiées en salariés à l'échelle de l'Union européenne.
Les plateformes sont en réalité très variées. Au-delà d'Uber, d'autres plateformes de livraison, notamment Just Eat, déplorent l'absence de directive européenne sur le sujet, car elles emploient leurs livreurs, au moins au Smic, quand les autres font de la concurrence déloyale. Il est donc faux de dire que la requalification des travailleurs en salariés reviendrait à faire disparaître les plateformes. Des millions de personnes les utilisent. Donner un peu plus de droits à ces travailleurs ne signifie pas que l'on ne prendra plus de voiture Uber ! En revanche, la répartition du prix sera différente entre l'utilisateur et le conducteur. Alors que le consommateur se paie un service - le transport, une livraison de pizza à la maison - et que la plateforme à laquelle il a recours gagne de l'argent, il n'est pas admissible que quelqu'un souffre. Il faut aussi mentionner la concurrence déloyale d'Uber par rapport aux taxis, ou des plateformes de livraison de nourriture par rapport aux magasins.
L'argument selon lequel les plateformes risqueraient de disparaître ne me semble pas fondé, j'en veux pour preuve la condamnation de l'entreprise Uber en Angleterre : a-t-elle disparu de Londres pour autant ? Non, puisque ses effectifs ont ensuite crû de 30 %.
De manière générale, les États membres sont très attachés à leur culture sociale et à leurs règles de négociation des accords collectifs. Certains pays défendent leur système bec et ongles, à l'instar de la Suède, où les tentatives de remises en cause du système d'accords collectifs suscitent une vive réaction des syndicats.
S'agissant des réfugiés ukrainiens, plus d'un million de personnes ont trouvé un emploi à l'échelle européenne, ce qui représente un succès. La directive relative à la protection temporaire prendra fin l'année prochaine, sans que nous puissions malheureusement prévoir la fin de la guerre d'ici là. Environ 5 millions de réfugiés ont été accueillis à travers le continent : placée en première ligne, la Pologne a plutôt bien géré la situation, même si c'est l'Allemagne qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés.
La plupart des réfugiés ukrainiens sont des femmes et occupent le plus souvent des emplois qui ne correspondent pas à leur niveau de qualification, d'où la nécessité d'un travail d'ajustement des emplois aux compétences et aux diplômes.