95 millions d'Européens sont menacés par la pauvreté et la Commission européenne souhaite en effet réduire leur nombre de 15 millions, chaque État membre devant concourir à atteindre cet objectif. L'Union européenne agit au travers du Fonds social européen, tandis qu'une recommandation relative au revenu minimum a été adoptée - sans imposer un montant mais en fixant des principes -, sans oublier l'adoption d'une garantie pour l'enfance, car la pauvreté se transmet trop souvent, hélas.
Nous menons une politique globale dans ce domaine afin de ne pas négliger les familles et d'agir tant sur l'insertion professionnelle que sur le logement, en prêtant une attention particulière aux foyers monoparentaux, essentiellement féminins. Nous tâchons d'inciter les États membres à mener des politiques en ce sens, toujours en veillant au respect du principe de subsidiarité.
L'inclusion et la lutte contre la pauvreté doivent d'ailleurs figurer parmi les priorités du sommet social de La Hulpe. Non seulement nocive sur le plan social et en divisant de plus en plus nos sociétés, la pauvreté joue également un rôle négatif sur le plan économique : si nous ne permettons pas aux jeunes, aux femmes et aux familles de travailler et de se former, nous resterons confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre.
Le principe de la carte européenne du handicap a été adopté sous la présidence espagnole. Il existe plus précisément deux cartes, l'une pour le stationnement, l'autre permettant aux titulaires un accès égal à des conditions spéciales et à des traitements préférentiels (dans les transports, les musées...) partout dans l'UE. Ces outils illustrent le fait que l'Europe peut apporter des améliorations concrètes dans la vie quotidienne des citoyens.
Nous avons d'ailleurs lancé une stratégie pour les personnes en situation de handicap en la centrant sur l'emploi et l'insertion, afin d'inciter les entreprises à employer ces personnes. Ayant moi-même occupé la fonction de ministre du travail, j'ai pu constater l'ampleur des discriminations que subissent les personnes en situation de handicap, alors qu'elles sont souvent plus efficaces et plus motivées que quiconque.
J'en viens au monde du travail, en pleine ébullition du fait des nouvelles technologies et de l'arrivée de l'intelligence artificielle. Nous devons prendre la mesure de l'impact de ces mutations sur la qualité du travail et sur les besoins de formation, en évitant une fracture numérique qui entraînerait une marginalisation d'une partie des travailleurs et des citoyens.
Concernant la qualité du travail, un sommet organisé durant la présidence suédoise avait été consacré à la sécurité et à la santé au travail, en abordant notamment la problématique de l'exposition à des substances dangereuses. Le Parlement européen doit d'ailleurs se prononcer aujourd'hui sur la définition d'un seuil d'exposition des travailleurs au plomb, métal dangereux et cancérigène.
La directive relative à la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l'amiante - matériau qui a entraîné des ravages dans tous les États- représente un acquis et illustre bien la direction que nous devons emprunter. Un autre texte relatif à la construction et à la rénovation de bâtiments devrait venir la compléter. Là encore, la pénurie de main-d'oeuvre qui affecte le continent doit nous conduire à protéger d'autant plus les travailleurs. Sans prendre position sur le bien-fondé du report de l'âge de départ à la retraite, un tel effort ne peut être exigé sans agir résolument pour améliorer la santé au travail. Si un salarié se retrouve avec une santé dégradée à l'âge de 56 ans en raison de conditions de travail intenables, on ne pourra pas lui demander de rester en poste jusqu'à 67 ans.
Pour ce qui concerne les plateformes, il est bien question de mieux définir les catégories auxquelles appartiennent les travailleurs des plateformes : sont-ils salariés ou indépendants ? Alors que la Commission européenne avait proposé la mise en place de critères européens, nous en sommes revenus à des critères nationaux, certains États se montrant plus frileux que d'autres par crainte de voir leur système remis en cause par la présomption de salariat. Certains d'entre eux ont en effet créé une troisième catégorie, à mi-chemin entre le salarié et l'indépendant.
Ce débat est aussi complexe qu'essentiel, car les droits qui découlent de chacun de ces statuts sont bien différents. Je préférerais pour ma part éviter de scinder le texte en deux, qui constitue un tout englobant le statut des travailleurs et la gestion algorithmique.
Au sujet de l'indemnisation du chômage, nombre de travailleurs frontaliers m'ont paradoxalement fait part de leur opposition à une régulation européenne au motif qu'ils préféraient rester en relation avec l'agence de leur pays d'origine. Dans le cas d'un déménagement, la conservation des droits au chômage est en théorie possible pendant trois mois. Je souligne que les difficultés administratives en la matière relèvent des États membres et non de la Commission européenne : la simplification des démarches leur incombe.