La BEI peut financer aujourd'hui des biens à double usage, mais elle ne peut pas financer des biens à usage strictement militaire. Les États membres, par l'intermédiaire des ministères des finances qui participent au conseil d'administration de la BEI, peuvent infléchir cette situation. Le Président de la République et le ministre Le Maire ont émis des propositions claires, le conseil d'administration de la BEI pouvant faire évoluer son mandat à la majorité simple. La nouvelle présidente de la BEI, Mme Calviño, a été nommée sur le fondement de propositions fortes à ce sujet. La communication relative à la stratégie industrielle de défense européenne que nous publierons la semaine prochaine contient l'objectif de régler cette question cette année, peut-être en juin prochain, lors d'une prochaine échéance à la BEI. Nous espérons que nous aurons alors convaincu suffisamment d'États membres pour que la BEI infléchisse sa position, ce qui pourrait avoir un effet d'entraînement sur le secteur bancaire privé.
Les projets capacitaires du Scaf et du char de combat sont effectivement compliqués. Des rapports éminents du Sénat ont été publiés à ce sujet. Vous citez un sujet de discussion sensible et j'espère que l'avion de combat pourra avancer. En effet, il n'y a pas de coopération sans un couple franco-allemand solide mais il existe aussi des coopérations européennes qui fonctionnent. L'avion multirôle de transport et de ravitaillement (MRTT) a été fait à plusieurs. La coopération structurée permanente permet des développements de projets capacitaires, notamment le projet Eurodrone. La coopération européenne est souvent complexe car il faut tenir compte des rivalités industrielles. J'espère que nous pourrons trouver les bons accords pour les dépasser.
Comment faire pour moins acheter sur étagère à l'étranger ? Nous avons essayé d'y inciter en lançant le plan munitions en mars 2023 : la FEP a mis un milliard d'euros sur la table pour rembourser les États membres concluant des contrats pour acheter des munitions de 155 millimètres et les livrer à l'Ukraine, à condition que ces munitions soient produites par l'industrie de défense européenne. Nous avons repris ce critère pour la proposition du fonds d'assistance à l'Ukraine, sur laquelle j'espère un accord au début de mars prochain. L'argent européen irait à des projets européens dans l'objectif de poursuivre la formation et de lancer des projets d'acquisition conjointes.
Le SEAE propose de faire des projets d'acquisition conjointes de munitions, de missiles et de drones, éventuellement d'autres équipements capacitaires, en utilisant le plus possible les industries de défense européenne, ainsi que norvégienne car la Norvège est déjà de facto intégrée au marché intérieur. Je ne le cache pas, ce sujet n'est pas encore résolu. Nous en discutions ce matin lors de la réunion du Comité des représentants permanents (Coreper), nous en discuterons à nouveau la semaine prochaine. Des pays souhaitent une plus grande souplesse pour acheter plus facilement à l'étranger. Nous pouvons acheter des munitions immédiatement disponibles, quel que soit leur lieu de production, pour les donner à l'Ukraine. Mais si on lance des acquisitions en passant des commandes, il faut jouer la carte de la préférence européenne. Si l'on veut briser la chaîne de notre dépendance à l'égard de grands fournisseurs étrangers, il faut donner sa chance à l'industrie européenne. Ses capacités de production ont augmenté de 40 % en un an et sont maintenant suffisantes : nous produirons 2 millions de munitions de 155 millimètres l'année prochaine. Il ne faudrait plus passer commande en dehors de l'Europe car nous avons dix-sept entreprises dans douze États membres qui produisent des munitions de 155 millimètres. Utilisons-les, elles attendent des commandes ! Le patron de Rheinmetall nous disait récemment ne pas recevoir assez de commandes. Cela met Josep Borrell hors de lui : l'Agence européenne de défense propose 60 contrats-cadres, elle peut encore passer pour 1,5 milliard d'euros de commandes de munitions mais les États membres ne passent pas de commandes. Nous retrouvons le problème du financement. L'Europe a offert un cadre réglementaire et incité à l'achat, mais ce sont les États qui décident.
Madame Boyer, vous avez évoqué les annonces de Donald Trump en estimant qu'elles constituent peut-être une bonne chose pour nous.