Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la Camargue est un territoire d'exception, comme le rapporteur, M. Jean Boyer, que je ne voudrais pas manquer de féliciter à mon tour pour la qualité de son rapport, l'a excellemment souligné.
D'une part, la diversité des milieux naturels et la richesse de la biodiversité de cette zone humide, l'une des principales d'Europe, sont remarquables à plus d'un titre.
D'autre part, la situation unique de ce territoire l'expose à la pression permanente du fleuve et de la mer. La présence de l'homme et des activités humaines a façonné cette nature et reste, aujourd'hui encore, essentielle au maintien de son équilibre environnemental.
Cette imbrication de l'homme et de la nature est l'une des caractéristiques fondamentales à prendre en compte dans la façon de gérer cette terre à l'équilibre si fragile : le projet de loi relatif au parc naturel régional de Camargue en apporte une preuve supplémentaire.
La crise traversée par le parc ces dernières années a permis, s'il en était besoin, de prendre conscience du caractère emblématique de ce territoire. Sa notoriété dépasse largement nos frontières : le sursis qui pesait sur l'existence du parc a suscité une vive émotion au sein de la population locale, mais également dans le reste de notre pays et, comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, à l'étranger.
La perte du label aurait porté un coup terrible à notre politique des espaces naturels protégés. Dès lors, le présent projet de loi apporte une issue satisfaisante, alors qu'à l'approche de l'échéance du 18 février 2008, date limite de la validité du classement du parc, la situation devenait urgente.
L'action de médiation du ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, était donc très attendue. M. Borloo l'a menée de façon exemplaire et elle a été appréciée : ses résultats concrets ont été salués par l'ensemble des acteurs locaux ; ces derniers sont reconnaissants au ministre d'État de son engagement résolu à sauver le parc, comme j'ai pu le constater lors du déplacement que j'ai effectué en Camargue les 26 et 27 septembre dernier. Je tiens à m'associer à ces témoignages de reconnaissance et à féliciter M. Borloo de cette « reprise en main » ferme et efficace.
La courte mission que j'ai effectuée en Camargue n'avait pas vocation à interférer avec les débats sur le présent projet de loi : elle s'inscrivait dans le cadre de la préparation du rapport pour avis sur les crédits de l'écologie que je consacre, au nom de la commission des affaires culturelles, à la politique des paysages et des espaces naturels.
Toutefois, elle m'a permis d'entendre les principales parties prenantes et de mieux comprendre les grands enjeux de ce territoire exceptionnel mais complexe, ce qui m'amène à faire quelques observations concrètes.
Tout d'abord, j'ai clairement ressenti l'attachement des Camarguais à leur parc : il fait partie intégrante de leur identité et contribue activement à la politique de développement et de valorisation des activités agricoles, économiques et touristiques. Je crois que nous pouvons nous réjouir de ce succès d'estime : le parc est perçu comme un outil indispensable de gestion de la Camargue. L'intérêt de chacun est donc qu'il puisse fonctionner dans de bonnes conditions. À cet égard, la volonté de tourner la page des « années noires » est quasi unanime : il faut désormais faire avancer les projets, et les défis ne manquent pas.
La formule proposée suscite l'adhésion. Le projet de loi apporte enfin une stabilité à la structure de gestion du parc, après plus de cinq années de conflits et d'insécurité juridique, sur fond, il faut bien le reconnaître, de tensions politiques. Il est en effet délicat de créer un équilibre avec seulement deux communes partenaires, Arles et les Saintes-Maries-de-la-Mer. Une telle configuration est unique.
L'implication de l'État était devenue nécessaire. Elle s'est avérée décisive, grâce à la détermination dont M. Borloo a fait preuve pour débloquer la situation en remettant tous les acteurs concernés autour de la table.
L'État est le garant de la cohérence de la politique des parcs naturels régionaux, via l'attribution du label. Il est donc bien dans son rôle quand il intervient pour faire ainsi prévaloir l'intérêt général, en assurant la pérennité de l'un de nos parcs les plus emblématiques.
La mise en place d'un syndicat mixte de gestion ouvert est une réponse adaptée à l'histoire et aux spécificités de la Camargue. Riziculteurs, saliniers, éleveurs et chasseurs jouent en effet un rôle essentiel pour préserver l'équilibre écologique et hydraulique de ce territoire.
Cette imbrication entre la nature et l'activité humaine permet de comprendre pourquoi la Camargue a fait exception, dès l'origine, dans le paysage des parcs naturels régionaux : ce parc a été porté en 1970 par une fondation privée de propriétaires fonciers, en dehors du droit commun et en opposition au projet de création d'un parc national.
Comme l'a si bien souligné le rapporteur, il est légitime que ces acteurs historiques, qui bénéficient d'un ancrage sur le territoire, aient toute leur place au sein de la structure de gestion du parc et qu'ils soient associés, aux côtés des collectivités locales, à la définition de ses objectifs. Le projet de loi est destiné à assurer cette participation, au travers de la représentation du syndicat mixte de gestion des associations syndicales du Pays d'Arles au sein du conseil syndical. C'est une avancée notable.
Toutefois, la loi ne dit pas tout et ne réglera pas l'ensemble des problèmes. Le texte pose un socle, mais il reste à bâtir une gouvernance efficace, en réunissant les conditions permettant de garantir le bon fonctionnement concret de cette structure de gestion.
Ces modalités concrètes doivent être transparentes pour que, une fois le texte voté par le Parlement, les acteurs se retrouvent dans un climat de confiance. Je souhaite que vous puissiez nous apporter des précisions à ce propos, monsieur le secrétaire d'État, notamment sur le poids de chacun des représentants au sein du syndicat mixte et sur les modalités de transfert des biens dont la fondation est propriétaire.
Je souhaite également que vous puissiez nous assurer que les propriétaires fonciers trouveront bien une place valorisante au sein de cette structure. La Camargue est leur histoire : ils ont en partage une passion pour ce territoire.
De même, le maire et les conseillers municipaux des Saintes-Maries-de-la-Mer m'ont fait part des difficultés qu'ils éprouvent à être véritablement associés à la gestion du parc. Ils doivent y trouver toute leur place : la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer porte notamment l'étang du Vaccarès et la réserve ; c'est le coeur touristique de la Camargue, et le parc ne peut exister sans elle.
La priorité est de relancer le dialogue. En effet, des choix stratégiques devront être faits dans les années à venir pour assurer une gestion maîtrisée de l'eau et protéger un écosystème menacé.
Des choix stratégiques devront également être faits en vue d'assurer le développement durable de la région : l'arrêt d'une partie des activités de la Compagnie des Salins du Midi à Salin-de-Giraud ouvre la voie à des projets ambitieux d'aménagement, sur un vaste espace en reconversion. En outre, la question de l'extension du parc à la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône se posera. Il faudra bien engager le dialogue sur ces sujets, afin de prendre les décisions qui permettront de préserver au mieux les grands équilibres du territoire.
Enfin, la relance du dialogue est indispensable pour clarifier les objectifs du parc. Quelques voix ont attiré mon attention sur l'étendue de ses champs d'action, qui leur apparaît parfois excessive. En cela, le travail de rédaction d'une nouvelle charte sera un exercice important en vue de mettre à plat les attentes et de définir des orientations claires.
Un risque toutefois serait d'aboutir, en cherchant à être trop consensuel, à une rédaction trop floue.
À cet égard, le projet de loi proroge de trois ans l'échéance fixée pour procéder à la révision de la charte. J'avoue m'interroger sur l'opportunité de rallonger ainsi le délai. Il me semble qu'il aurait été suffisant de prolonger le classement de deux ans, comme cela a été rendu possible par le législateur pour tous les parcs régionaux. C'est aussi ce que m'ont dit, dans leur grande majorité, les acteurs locaux. Il ne faudrait pas, une fois que l'élan suscité par ce texte sera retombé, que l'on s'enlise de nouveau dans des discussions qui n'apporteraient aucune plus-value aux travaux, voire nuiraient à leur qualité.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les observations que je souhaitais faire sur ce texte, très attendu par les acteurs de terrain, mais qui ne fait que tracer un cadre auquel il leur faudra ensuite donner corps. Toute politique de développement durable a d'abord besoin de reposer sur des structures juridiques stables et elles-mêmes durables.
Naturellement, je voterai ce projet de loi.