Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 22 février 2010 à 14h30
Action extérieure de l'état — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Bernard Kouchner, ministre :

Il permettra également de moduler la durée de séjour de nos experts, la demande se portant de plus en plus aujourd’hui sur des missions courtes ou moyennes. Enfin, il permettra de mobiliser cette expertise plus rapidement.

S’agissant de l’allocation au conjoint, je ne reviens pas en détail sur le titre III du projet de loi, qui crée une allocation pour les conjoints d’agents expatriés, dans la mesure où elle recueille un large consensus. C’est néanmoins une disposition à laquelle je tiens beaucoup.

Là encore, depuis quarante ans, la mesure aurait pu être prise ! Grâce à ce texte, l’allocation sera désormais versée directement au conjoint. Cela paraît évident, et pourtant ce n’était pas le cas. Aujourd'hui encore, l’allocation est versée au responsable de la famille, qui est souvent l’époux, quoique aussi, parfois, et c’est heureux, l’épouse.

C’est donc là une première étape vers la création d’un véritable « statut du conjoint », que le Président de la République a appelé de ses vœux.

Enfin, j’aborderai brièvement le titre IV, qui concerne le remboursement des frais engagés par l’État à l’occasion des opérations de secours à l’étranger.

Ce n’est pas la moindre mesure de ce texte ! Nous en avons longuement débattu avec MM. les présidents et les rapporteurs des deux commissions. Je crois que nous sommes tombés d’accord sur sa nécessité, sans aucune visée polémique, surtout à l’heure actuelle.

Nous l’observons tous les jours, l’État est de plus en plus souvent amené à engager des opérations de secours au profit de ressortissants français qui s’exposent à un danger immédiat, dans des zones notoirement dangereuses, où ils séjournent pour leurs loisirs ou dans le cadre de leur activité professionnelle.

Ces personnes ne peuvent pas se voir réclamer le montant des frais qui sont engagés pour préserver leur intégrité, assurer le soutien à leur famille et mettre en place la logistique nécessaire à la gestion de la crise. Il s’agit parfois de sommes exorbitantes ! Pourquoi ? À cause d’une conception traditionnelle de la gratuité des secours, qui n’a pas d’équivalent juridique à l’étranger.

Les professionnels du tourisme, des transports et de l’assurance sont tentés, eux aussi, de s’en remettre à l’État pour le rapatriement de leurs clients.

Ce fut le cas lors du blocage de l’aéroport de Bangkok en novembre 2008. Il a fallu affréter des avions pour rapatrier les cinq cents touristes français. Je ne vous parle pas de la somme dépensée… Je suis informé, car c’était le Centre de crise du ministère qui gérait la situation.

Pour mieux sensibiliser nos concitoyens aux conséquences des risques inutiles qu’ils prennent et font prendre aux équipes de secours, le projet de loi donne à l’État une faculté qu’il n’avait pas jusqu’alors : exiger des personnes s’étant délibérément mises en danger, sauf motif légitime, le remboursement de tout ou partie des frais directs ou indirects induits par des opérations de secours. C’est une faculté, pas une obligation. Les décisions seront toujours prises au cas par cas.

Le projet de loi donne aussi à l’État la faculté d’exercer une action récursoire à l’égard des opérateurs défaillants, c'est-à-dire les transporteurs, voyagistes ou compagnies d’assurance, qui n’ont pu fournir la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus, hors cas de force majeure.

Entendons-nous bien, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne s’agit pas de limiter la liberté de voyager ou bien d’exercer une profession, que ce soit celle des personnels humanitaires ou celle des journalistes.

Cette disposition s’applique, comme le prévoit l’article 13, aux « personnes s’étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence, à des risques qu’elles ne pouvaient ignorer ».

Messieurs les présidents des commissions, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas tous les jours qu’un ministre des affaires étrangères vient devant vous présenter un projet de loi. Ce texte répond à une seule conviction : ce qui fait la grandeur de la France, c’est ce qu’elle donne aux autres. Offrons-lui les moyens de donner le meilleur ! Et donnons-nous les moyens de faire maintenant un premier pas nécessaire.

« Les éléments du pouvoir d’une grande nation ne se composent pas seulement de ses flottes, de ses armées, de la sagesse de ses lois, de l’étendue de son territoire. » Cette phrase de Victor Hugo nous inspire encore. Je suis heureux de constater que vous en êtes comme moi convaincus. Et je suis heureux, plus encore, que nous puissions mener ensemble ce combat, qui n’est pas terminé et ne cessera pas dans les trois ans à venir, ni peut-être au-delà.

C’est la raison pour laquelle je serai heureux de travailler avec vous pour que ce projet de loi soit voté. §

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