Intervention de Louis Duvernois

Réunion du 22 février 2010 à 14h30
Action extérieure de l'état — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Louis DuvernoisLouis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la littérature du Sénat sur le thème de l’action culturelle extérieure a été prolifique. Elle est surtout très ancienne. Voilà presque dix ans, notre collègue Yves Dauge, alors député, tirait la sonnette d’alarme sur la situation de notre réseau d’instituts et de centres culturels à l’étranger. Ses propos, parce que justes, avaient fait l’effet d’une bombe médiatique amplifiée par la célèbre émission culturelle de l’époque Apostrophes.

Depuis, plusieurs rapports d’information et avis budgétaires se sont succédé pour réclamer haut et fort un sursaut de notre diplomatie culturelle, aussi bien en termes de stratégie qu’en termes

Car notre politique culturelle extérieure n’a été, longtemps, portée par aucune véritable stratégie. Privée d’une cohérence d’ensemble, elle fait tout naturellement l’objet de coupes budgétaires de plus en plus systématiques. Orphelin de projet, orphelin de moyens, notre réseau culturel à l’étranger est ainsi en proie à une démobilisation préoccupante. Entretenir l’image de la France à l’étranger, une image dont l’effet de levier est, du reste, considérable, cela a un prix. En refusant de le payer, on hypothèque gravement notre capacité d’influence et d’attractivité, avec des répercussions bien plus douloureuses qu’on n’ose l’imaginer.

On en revient toujours au même paradoxe. La France a inventé le concept de diplomatie culturelle dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Et pourtant, aujourd’hui, nous apparaissons complètement dépassés par l’activisme intense déployé par nos concurrents qui multiplient à l’étranger les British Councils, les instituts Goethe, les instituts Cervantes ou encore les instituts Confucius. Nous disposons pourtant d’un potentiel énorme : un capital de sympathie à l’étranger alimenté par un très fort désir de France, le réseau culturel le plus dense au monde, des personnels culturels compétents et passionnés. Alors pourquoi sommes-nous dépassés, que nous manque-t-il ? Il nous manque, tout simplement, une stratégie claire et les moyens de la mettre en œuvre !

Vous comprendrez donc que ce projet de loi, nous l’attendions avec une très forte impatience, monsieur le ministre. En février 2007, le Sénat adoptait déjà à l’unanimité une proposition de loi, dont j’étais l’auteur, qui visait à transformer CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial, EPIC, et à mieux articuler ses liens avec le réseau culturel. Aujourd’hui se présente à nous une nouvelle chance qu’il faut saisir de toute urgence.

Faisons de ce projet de loi un texte à la hauteur de nos espérances. Je salue, à ce propos, l’esprit de concertation qui a présidé à l’élaboration du texte de la commission des affaires étrangères. Je veux remercier mon collègue rapporteur Joseph Kergueris et les présidents Legendre et de Rohan pour leurs positions courageuses et leur détermination. Nos deux commissions ont conduit ensemble une longue série d’auditions. Elles ont ainsi pu présenter des amendements identiques, inspirés de leur rapport d’information commun adopté à l’unanimité.

Ce que nous voulons, c’est une stratégie clairement identifiable dans le projet de loi. Cette stratégie est la suivante : notre diplomatie d’influence doit reposer sur des opérateurs aupilotage stratégique clairement identifié et aux périmètres d’intervention bien dessinés. Ils doivent disposer d’une gouvernance à la fois réactive et participative. Leurs liens avec le réseau culturel doivent être clairement établis. C’est avec cette stratégie à l’esprit que nous entendons compléter substantiellement le projet de loi.

Un pilotage stratégique effectif suppose de responsabiliser les opérateurs vis-à-vis de leurs tutelles respectives. Nous avons donc souhaité consacrer le principe de la conclusion systématique d’un contrat d’objectifs et de moyens entre les agences et l’État.

Le pilotage stratégique suppose également de bien identifier la tutelle, un « chef de file », une « tête de pont ». S’agissant de l’agence culturelle, il nous a semblé que le Quai d’Orsay avait tout naturellement vocation à exercer cette tutelle. Le principe d’une tutelle unique, garantie d’un pilotage effectif, n’exclut pas pour autant une concertation interministérielle préalable dans l’élaboration de leurs orientations stratégiques.

En conséquence, nous avons précisé que le Quai d’Orsay devra les définir conjointement avec le ministère de la culture dans le cas de l’agence culturelle, et avec le ministère de l’enseignement supérieur dans le cas de l’agence de la mobilité.

Une autre dimension à imprimer au pilotage de ces opérateurs est leur dimension participative et fédérative. Autant que faire se peut, tous les acteurs concernés, aussi bien publics que privés, doivent être associés au fonctionnement de ces agences. C’est pourquoi nous avons tenu à préciser que seront placés auprès de ces opérateurs des conseils d’orientation stratégique qui leur seront potentiellement ouverts.

Conformément au rapport d’information conjoint des deux commissions, nous avons également précisé les périmètres d’intervention respectifs de ces deux agences. Elles ont vocation à se concentrer sur deux cœurs de métiersspécifiques qui feront appel à des compétences spécialisées.

S’agissant de la gouvernance, la commission de la culture a fait adopter un amendement tendant à augmenter le nombre de parlementaires présents au conseil d’administration de ces agences afin de garantir la représentativité des différentes commissions concernées.

Enfin, le souci principal de nos deux commissions a été de clarifier les liens entre ces deux agences avec le réseau culturel à l’étranger, en d’autres termes, de préparer le terrain au rattachement du réseau à l’agence culturelle.

Le principe de ce rattachement a été clairement acté, à l’unanimité, par nos deux commissions. Nous militons de longue date en faveur d’un réseau culturel organiquement lié à une agence culturelle digne de ce nom.

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