Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis marque une nouvelle étape dans la réforme d’ensemble engagée au sein du ministère des affaires étrangères et européennes. L’objectif est de passer d’une logique de rayonnement à une logique d’influence.
L’idée n’est pas nouvelle. Quand, se préparant à la première des guerres que nous appelons médiques, Darius payait des Grecs pour qu’ils soutiennent des positions favorables à la Perse, il menait une politique d’influence. Quand Alexandre, après avoir conquis un pays, se proclamait fils des dieux locaux et incitait ses généraux à prendre des épouses autochtones, il menait une politique d’influence. Quand Sun Tzu, dans L’Art de la guerre, conseillait à un souverain d’offrir du vin et des concubines au roi voisin pour amollir son caractère, il promouvait une politique d’influence.
Tout cela se passait voilà plus de deux mille ans, mais on pourrait trouver bien d’autres exemples dans l’Histoire, tant ancienne que plus récente. Toutefois, la diplomatie d’influence est vraiment née au xxe siècle. Depuis l’entre-deux-guerres, les politiques étrangères de tous les États s’accompagnent de démarches pour conforter leur influence dans le monde. Les émissions de Radio Free Europe au-delà du « rideau de fer » ou, plus récemment encore, le monopole des images de CNN en 1991, sans oublier la création de France 24, ont illustré le rôle majeur de l’influence dans les relations internationales.
Nos partenaires ont, sans doute plus vite que la France, pris conscience de l’importance stratégique des idées et de la culture dans l’action diplomatique ; mais je ne reviendrai pas sur la comparaison entre l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. Quoi qu'il en soit, il y a urgence à doter le ministère d’opérateurs modernes et efficaces.
Le présent projet de loi crée une agence chargée de la coopération culturelle. Cette agence devra soutenir nos priorités et être une vitrine de l’offre culturelle française dans toute sa diversité. En apportant un soutien aux artistes, elle assurera la promotion de notre culture et de notre langue.
Elle devra aussi, comme l’a souligné la commission, être à l’écoute de nos partenaires étrangers par l’intermédiaire de notre réseau diplomatique.
Sur l’initiative de son rapporteur, la commission a conforté ces objectifs. Elle a précisé les missions du nouvel opérateur, ce qui me semble important.
En matière de gouvernance, elle a comblé un silence du texte en plaçant la future agence sous la tutelle du ministre des affaires étrangères : les machines à deux têtes ont trop souvent montré à quel point elles étaient difficiles à manier !
Le ministère de la culture devra néanmoins jouer un rôle important dans le pilotage de nos actions, et il faut qu’il soit associé à la prise de décision. C’est ce qu’a prévu la commission en indiquant que l’établissement exercera ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de la culture. Celui-ci sera représenté au sein du conseil d’administration et sera cosignataire du contrat d’objectifs et de moyens entre l’opérateur et l’État.
Enfin, la commission a prévu la création d’un conseil d’orientation stratégique qui associera tous les ministères concernés.
C’est sur cet équilibre entre bonne gouvernance et association de l’ensemble des acteurs concernés que je m’interroge. Ce qui est surprenant, et suscite des réserves de ma part, c’est que tous ces acteurs sont issu du secteur public ou semi-public. Qu’en est-il de la sphère privée ?
La France est marquée par Malraux, par la puissance du ministère de la culture, et notre conception de la culture est aussi un héritage de la royauté. Pour autant, madame Tasca, je ne suis pas sûr que la culture soit un domaine régalien !