Intervention de Yannick Bodin

Réunion du 15 septembre 2010 à 14h30
Lutte contre l'absentéisme scolaire — Question préalable

Photo de Yannick BodinYannick Bodin :

Les familles qui ont réellement besoin de cette aide sociale seront donc les seules concernées par ce dispositif, ce qui le rend insupportable. Je ne parle même pas de l’article prévoyant la non-compensation par le RSA de sa suspension-suppression. Le devoir de notre République n’est-il pas de donner les mêmes chances à tous ses citoyens, et d’abord aux plus jeunes ?

Cette mesure ne touche donc que l’absentéisme scolaire des plus pauvres. Il est inconcevable de poursuivre la mise en place progressive par le Gouvernement d’une société à deux vitesses. Supprimer les allocations familiales, c’est ajouter la misère à la pauvreté. Qui peut croire que cette mesure aidera les familles en difficulté à retrouver le sens de leur rôle de parents ?

Les élus de mon groupe ont également dit que cette proposition de loi inscrivait un dispositif impraticable.

Le Gouvernement a été contraint de répondre à de nombreuses questions de parlementaires qui l’interrogeaient, par exemple, sur les problèmes de surcharge de travail des caisses d’allocations familiales. Beaucoup de lieux d’accueil du public sont amenés à fermer leurs portes pour assurer leur travail. Cette charge de travail supplémentaire alourdirait encore leurs fonctions, alors que le président du conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales a alerté le Gouvernement, affirmant que le réseau des CAF était « proche de l’implosion ».

Nous voyons que la procédure proposée est extrêmement complexe et nous pouvons ainsi pertinemment nous interroger sur la faisabilité de ce dispositif. Aux dires de plusieurs fonctionnaires ou employés de la CAF avec lesquels je me suis entretenu, chaque dossier mettrait plusieurs mois avant d’aboutir, créant un nouveau nœud bureaucratique et rendant la « sanction » très tardive, c'est-à-dire dépassée dans bien des cas, puisqu’elle interviendrait longtemps après la fin de l’année scolaire. Les foyers français sont de plus en plus nombreux à faire appel aux CAF : n’est-il pas plus opportun de s’attacher à résoudre leurs problèmes économiques que d’en créer de nouveaux ?

Les élus de mon groupe ont encore souligné le caractère inintelligent de cette mesure.

Des mesures quasi identiques existent déjà, mais leur complexité et l’incohérence de leur principe font qu’elles ne sont pas appliquées. La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a créé le « contrat de responsabilité parentale » dans les cas d’absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement d’un établissement scolaire et de difficulté liée à une carence de l’autorité parentale. Le code de l’action sociale et des familles précise qu’en cas de non-respect des obligations le président du conseil général peut intervenir. Mais l’évaluation de ce dispositif, qui était prévue avant le 30 décembre 2007, n’a toujours pas eu lieu.

La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a également créé les conseils pour les droits et devoirs des familles. Le code de l’action sociale et des familles offre plusieurs possibilités d’action. Ainsi, « le maire peut proposer aux parents ou au représentant légal du mineur concerné un accompagnement parental ».

Les membres de la majorité gouvernementale, qui déplorent l’inaction prétendue des présidents des conseils généraux dans les cas d’absentéisme scolaire, vont-ils également faire porter aux maires qui s’investissent déjà très fortement cette responsabilité ? Allons-nous continuer à accumuler les nouveaux dispositifs sans jamais prendre la peine d’analyser leur pertinence ?

On peut même craindre, à juste titre, que les établissements ne soient de plus en plus hésitants à saisir les inspecteurs d’académie, qui eux-mêmes seront très prudents dans la mise en œuvre d’une telle mesure. J’en ai la certitude, monsieur le ministre, à moins, bien sûr, que, comme dans les commissariats, on leur demande de faire du chiffre, …

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