Intervention de Claude Bérit-Débat

Réunion du 15 septembre 2010 à 14h30
Lutte contre l'absentéisme scolaire — Article 1er

Photo de Claude Bérit-DébatClaude Bérit-Débat :

Depuis le début de la discussion, de nombreux arguments contradictoires ont été avancés. On se rend compte une fois de plus que le thème de l’éducation soulève bien des passions et suscite le débat. La question de la lutte contre l’absentéisme scolaire ne fera pas exception à la règle.

Nous sentons tous en effet que notre discussion est particulièrement importante. Elle est même décisive, car ce texte est un véritable révélateur des conceptions que nous avons de l’éducation nationale et des ambitions que nous nourrissons pour elle.

Face à l’importance du sujet, il est donc nécessaire d’appréhender de manière juste et précise les termes du débat.

Pour avoir bien écouté tout ce qui s’est dit à l’instant sur cet article 1er, je suis bien obligé de constater que les présupposés, les ambiguïtés, les amalgames et les raccourcis qui servent de justification à cette proposition loi prévalent, encore et toujours.

Dans ces conditions, je veux revenir à mon tour sur cet article dont je dirai, pour commencer, qu’il montre combien cette loi est une fausse solution à un vrai problème.

Oui, l’absentéisme est un problème que nous devons résoudre. Non, la pénalisation financière des familles n’est pas la bonne solution.

Cette proposition de loi n’est en réalité rien d’autre qu’une étape de plus dans la fuite en avant sécuritaire du Gouvernement. Beaucoup de mes collègues l’ont mis en évidence.

Est-elle pour autant un moyen efficace d’améliorer l’assiduité des élèves ? Absolument pas ! Ce texte ne fait qu’amalgamer violence scolaire et absentéisme. Il ne fait que condamner des parents qui seraient obligatoirement démissionnaires.

En réalité, la proposition de loi fragilise davantage encore des familles qui sont déjà dans une situation économique et sociale difficile, mais elle ne résout rien.

Les comparaisons avec l’étranger son très prisées en cette période de réforme des retraites. Cela a été dit par l’un de mes collègues, mais il est bon de le rappeler : en Angleterre, où l’on est dans une logique similaire depuis 1997, l’absentéisme n’a pas diminué ; il a au contraire progressé, passant de 0, 7 % à 1 %.

Cette donnée devrait nous conduire à réfléchir sur le bien-fondé de cette proposition de loi. La loi stigmatise, et cela est insupportable. Je sais bien que le supportable est une notion toute relative et que les capacités d’endurance de chacun varient. Pour autant, exclure la compensation de la perte des allocations familiales du calcul du RSA, c’est infliger une double peine, je n’hésite pas à la dire, à des familles en situation de précarité ! Est-ce tolérable ?

Cet article formalise juridiquement la politique du pilori de votre majorité, monsieur le ministre. Au lieu de criminaliser les élèves, ne pourrait-on pas plutôt essayer de comprendre d’un point de vue pédagogique les causes de l’absentéisme pour mieux y remédier ?

Durcir les rapports entre l’institution scolaire, les élèves et les familles n’a jamais été une solution. Victor Hugo disait qu’ouvrir une école, c’est fermer une prison. Aujourd’hui, on dirait bien que l’école, celle que vous nous proposez à travers ce texte, est plus un tribunal, où l’on sanctionne, où l’on condamne, qu’un lieu où l’on transmet et où l’on instruit.

L’article 1er montre bien la logique de ce texte. En effet, il n’y a rien dans cet article qui s’attaque aux véritables causes du problème. Pourtant, les racines du mal de l’absentéisme, quant à elles, sont bien réelles et se trouvent dans les raisons qui poussent les élèves à ne pas se rendre en classe.

Manquer délibérément un cours, c’est manifester un mal-être vis-à-vis de l’école. Cela a été dit par un certain nombre de mes collègues. Daniel Pennac évoquait ce « chagrin d’école » qu’éprouvent ceux que l’on appelle les cancres. L’élève qui refuse d’aller en cours, lui aussi, a sûrement un chagrin d’école. Cela peut être dû à de multiples raisons, sociales ou pédagogiques, et elles ont été développées avec justesse et talent par Françoise Cartron. Mais, dans tous les cas, ces absences sont un effet et non une cause.

Pourtant, au lieu d’encourager les initiatives qui aident les élèves, cette loi préfère stigmatiser, sanctionner, punir les familles.

On aurait pu s’inspirer de ce qui fonctionne, comme les groupes d’aide à l’insertion scolaire, sociale et professionnelle, au lieu de pénaliser les familles, mais c’est l’inverse qui nous est proposé.

Pour ma part, j’attends de l’école qu’elle sache transmettre le bonheur d’apprendre aux élèves.

Je constate surtout que ce texte s’emploie à punir et que, dans cet article 1er, on se donne beaucoup de mal pour détailler les modalités de la punition. C’est pour cette raison que je voterai contre cet article.

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