Monsieur le ministre, tout au long de vos interventions, vous avez consciencieusement passé sous silence la période 2004-2006, qui a vu disparaître le dispositif de suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire.
Pour quelles raisons ? Tout simplement parce que cette mesure était inefficace et injuste, et ce dans son principe même. Modifier ses modalités d’application n’y changera rien.
Dans vos interventions, monsieur le ministre, vous avez usé de mots ou d’expressions comme « contradictoire », « droit de la défense ». Cet emprunt au vocabulaire judiciaire constitue un aveu : la suspension ou la suppression des allocations familiales sont bien des peines, et l’inspection académique se trouve, ainsi, transformée en tribunal !
Il n’est donc pas étonnant que les intervenants dans ce débat aient été les mêmes que lors de l’examen récent du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, puisque les deux textes procèdent de la même logique.
Vous vous êtes voulu rassurant, monsieur le ministre, en évoquant la clairvoyance et le discernement des inspecteurs d’académie, mais c’est oublier l’automaticité de la suspension des allocations familiales inscrite dans cette proposition de loi.
Nous ne croyons pas au dialogue sous la contrainte, encore moins à l’arme de dissuasion massive. Nos points de vue sont aujourd’hui irréconciliables, parce que nous n’avons pas la même conception de la responsabilisation.
Concernant l’amalgame entre absentéisme scolaire et délinquance, permettez-moi de citer le discours tenu, le 20 avril dernier, à Bobigny, par M. le Président de la République : « Il y a des mineurs très jeunes qui ne vont pas à l’école sans même que les parents le signalent. Dans ce cas-là, les allocations familiales seront suspendues. Que font ces mineurs la nuit dans les rues ? Que font ces mineurs à être utilisés par des trafiquants pour faire les guetteurs ou pour lancer des pierres sur les bus ? ».
Vous pouvez persister à le nier, mais force est de constater que les paroles du Président de la République étaient claires et relevaient bien de l’amalgame.
Nous l’avons dit, les causes de l’absentéisme scolaire sont d’abord internes au système scolaire : orientation subie, difficulté scolaire, ennui à l’école... Mais la réponse que vous apportez lui est, elle, totalement étrangère. Pourquoi ? Parce que cette proposition de loi est un texte de commande, d’annonce politique : il s’agit d’adresser un signal à votre électorat. Cette proposition de loi s’inscrit donc dans la logique sécuritaire actuelle.
Je terminerai mon explication de vote en exprimant un sentiment d’amertume. Monsieur le ministre, dans votre dernière intervention, vous avez bien dit que cette mesure pénalisante devrait également s’appliquer aux familles bénéficiaires des minima sociaux ou de l’allocation de parent isolé. Or nous parlons de l’école, de l’avenir des enfants : nous nous devons d’être ambitieux et positifs, au lieu de chercher à stigmatiser et à punir ceux qui n’ont déjà rien, en leur enlevant le peu qui leur reste.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi.